L’attrait du syncrétisme
Parti des Etats-Unis où il est maintenant bien essoufflé, le mouvement pseudo-religieux du « Nouvel Age » (New Age) s’est développé en Europe du Nord avant d’atteindre aujourd’hui l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche et à un moindre degré la France, l’Italie et l’Espagne. L’attrait incontestable qu’il exerce en particulier sur les jeunes laissés insatisfaits par un monde technicisé est devenu un sujet de préoccupation pour les pasteurs d’âmes et une source de profit non négligeable. (((En effet, pour les éditeurs. Le R.P. Josef Südbrack, s.j., est un spécialiste incontesté de ce phénomène en Allemagne)))
Sommes-nous, nous autres Allemands, sujets à la fièvre ”des mouvements d’idées ? Le fait est que ce que l’on a appelé « Nouvel Age », et qui vient d’Outre-Atlantique, a rencontré chez nous un très large écho (et plus encore, il est vrai, en Autriche et en Suisse). Le mouvement repose sur des « workshops », des ateliers, où l’on peut apprendre une technique ésotérique ou psychologique (pour un prix relativement important). Les activités y sont très variées : astrologie, astronumérologie, bhajans (chants sanscrits), biorythmes, cuisine macrobiotique, danses sacrées, dessin libre, exploration de la conscience, harmonisation des chakras, intégration posturale, etc. Il existe également des centres de méditation ou des stations de soins psychiques où l’on passe la fin de semaine. On trouve des gourous auxquels se lier, ou bien des clubs dans lesquels on tire les tarots. Ce genre d’activités nourrit jusqu’à 10% de l’édition, sans parler des films, de la littérature fantastique, des voyages organisés dans les lieux druidiques ou sur l’île de Lancelot où émergent les forces cosmiques… Comment expliquer toutes ces manifestations ?
Une religiosité sans Dieu personnel
Le théoricien le plus actif du « Nouvel Age », bien qu’il refuse ce terme, est Fritjof Capra, né en Autriche et de nationalité américaine. Il travaille depuis longtemps aux Etats-Unis comme chercheur atomiste. Ses théories visent à mettre en « convergence la science occidentale et la philosophie orientale », selon le titre d’un de ses ouvrages. Pour lui, ce que la « mystique » vedânta a toujours compris intuitivement, à savoir que tout est un, a été mis en évidence de plus en plus clairement par les sciences de l’atome. Le passage de la mécanique corpusculaire à la mécanique quantique au début du XXe siècle annoncerait une époque de transition. Tous les éléments dépendent les uns des autres et l’accord de l’ensemble forme la réalité. Cette nouvelle manière de penser correspond du point de vue astrologique à « l’ère du Verseau ». En certains endroits de la planète, cette ère, paraît-il, a déjà commencé. Ainsi, par exemple, Findhorn en Ecosse est le lieu de rencontres avec différents types d’entités : Dieu, les dévas (esprits de la nature), des anges et même un « centre de lumière » composé d’un groupe de prisonniers politiques russes morts ou mourants et communiquant depuis le fond d’une mine de sel sibérienne… Dès 1980, le livre de Marilyn Ferguson, The Aquarian conspiracy, annonçait la nouvelle époque paisible du « holisme » devant mettre fin aux deux millénaires de chrétienté combattante.
Ce « changement de paradigme » a aussi été analysé d’un point de vue biologique. Rupert Sheldrake, qu’il ne faut pas rendre responsable de toutes les sottises du « Nouvel Age », enquête ainsi sur « les questions morphogénétiques » : la ruche ou la fourmilière ne sont-elles pas un seul organisme, dont l’unité ne tient à aucune donnée scientifiquement exacte, mais plutôt à une totalité ontologique, une « âme » unique (« la mémoire de la nature ») de laquelle toutes les abeilles et les fourmis participent ? De même pour Maharashi, le maître à penser de la méditation transcendantale, l’ensemble des hommes est constitué organiquement en sorte qu’il suffirait que 3 % d’entre eux s’améliorent vraiment pour que soit également amélioré le « champ morphogénétique humain ». C’est pourquoi on parle volontiers « d’éthique de transformation ». Ce n’est pas seulement de l’extérieur, c’est aussi de l’intérieur qu’on prend connaissance de cette âme originelle commune. Partant de Freud, passant par Carl Gustav Jung et la psychologie humaniste, on en arrive à la « psychologie transpersonnelle ». A partir d’expériences qui vont d’abord au-delà de la conscience, puis dépassent la personne, se découvre une « conscience de la signification profonde » commune à tous les hommes, le « champ morphogénétique », à l’origine de toutes les valeurs, mêmes religieuses.