Che cos’è il politico ?
Ces 96 pages d’entretien avec Gian Antonio Ramelli sont d’une grande densité, et aussi d’une grande vivacité, deux caractéristiques du sociologue romain qui est aussi notre collaborateur. Les questions fusent, les réponses plus encore, autour du constat que la politique est étouffée par l’économie. La globalisation, qui n’est autre que la rationalisation du capitalisme, consiste, dit Carlo Gambescia, en une transformation de la société entière en grande entreprise, dont les hommes ne sont que les facteurs de production. Et si cette transformation ne va pas jusqu’au bout, c’est tout simplement qu’elle trouve sa limite dans le seuil de tolérance à partir duquel les gens se révolteraient. On dira que tout ramener au facteur économique est exagéré, qu’il y a des aspects moraux, sociaux, culturels, idéologiques… dans la crise du nihilisme actuel. Ce serait oublier la leçon d’Augusto Del Noce, dont notre ami est lecteur attentif (cf. son Viaggio al termine dell’Occidente, Settimo Sigillo, 2007) : la libération humaniste annoncée au début du cycle de la modernité s’achève dans l’aliénation matérielle, par conséquent la résorption du politique et du religieux dans le marché est dans la logique des choses. Mais elle n’est pas dans l’ordre des choses, et c’est pourquoi la question se porte sur le fait de savoir comment en sortir. Le sociologue – qui prend bien soin de souligner son indépendance d’esprit par rapport à la sociologie domestiquée par le système – répond ici que les transformations sociales n’ont rien d’automatique, qu’elles sont le fruit de la décision politique, et que celle-ci résulte de la volonté et de l’acceptation du conflit. Il touche ainsi un point essentiel, qui concerne à la fois la claire conception des buts, et l’organisation collective cohérente. Or l’une et l’autre sont plongées dans la crise par le courant même qu’il s’agit de contrecarrer, à cause de la dissolution de la culture politique, de l’individualisme et de l’affaiblissement de la force des sentiments (C. Gambescia rappelle, avec Sorokin, que l’homme n’est pas un tissu d’intérêts, mais qu’il a aussi et surtout des passions – celle, par exemple, de transmettre les biens supérieurs reçus). En passant, de nombreux thèmes sont abordés, trop vite évidemment faute d’espace. L’un d’eux est un peu plus développé (pp. 50–52) : la critique du prétendu « gramscisme de droite », montrant le vide de cette formule imaginaire qui pense que le pouvoir tombera comme un fruit mûr (toujours la fascination du communisme !) une fois l’animation sociale accomplie (dans le sens de l’utopie de l’abolition du politique). Une idée vaine, comme toutes celles que l’on prétend bonnes à séparer de l’ensemble dont elles sont solidaires.
« Pourquoi ne pas appliquer le “principe de précaution” à la politique, c’est-à-dire en prenant celle-ci au sérieux ? » Et pour commencer, par en finir avec les demi-mesures et les formules illusoires. Carlo Gambescia constate qu’un « saint guerrier » doit à la fois combattre et prier, mais qu’il est difficile à trouver aujourd’hui en Occident, car « ou bien on y prie sans combattre, ou on y combat sans avoir prié », et où les repères ne sont plus donnés ni dans l’Eglise ni dans la Cité des hommes. Alors il reste à chercher dans les rues et sur les places à qui parler…