Le mythe de l’Homme Nouveau
Le thème de ce livre est l’homme nouveau comme catégorie fondamentale de l’histoire des XIXe et XXe siècles et qui se poursuit aujourd’hui. D’une façon surprenante, bien que soient très nombreuses les mentions et allusions à ce thème, il n’a presque pas été étudié comme tel de manière systématique. Il s’agit d’une figure qualitativement très différente de l’idéal de la perfectibilité humaine et du nouvel homme des religions, dans le cadre desquelles cette catégorie est légitime.
Le critère est le remplacement du concept de ” condition humaine”, qui présuppose que la nature humaine est quelque chose de stable, fixe, permanent, universel, par celle d’une nature humaine supposée transformable ou modelable par l’homme lui-même. D’autre part, cette substitution intervient dans le cadre d’une nouvelle religion, la religion séculière. Celle-ci, en niant la distinction entre vie éternelle et vie temporelle, réduit la vie à sa temporalité et place sa foi dans la connaissance. C’est cette religion qui se présente comme une alternative au christianisme depuis la révolution française, même si elle s’oppose en principe à toutes les religions. Le concept de “religion séculière”, en tant que religion spécifique, n’a pas fait l’objet de nombreuses études méthodiques, bien que l’on se soit intéressé aux diverses « athéologies » auxquelles il a donné lieu, par exemple celle de Comte.
Mais ces athéologies ne doivent pas non plus être confondues avec les athéologies politiques, même si elles aussi sont produites par la religion séculière – religions politiques ou religions de la politique – ni avec les idéologies ou les bio-idéologies. Bien que tous ces courants représentent autant de variantes de la religion séculière, ils correspondent à un même type de religiosité, dont le mythe de l’homme nouveau constitue la clé.
Ce livre est un essai, du point de vue de l’histoire des idées, sur les précédents historiques du mythe de l’homme nouveau, sur son actualité et sur la religion séculière d’où il émane et qui en constitue le contexte. Le contractualisme de Hobbes, avec son artificialisme, celui de Rousseau avec son moralisme et le nihilisme implicite de la philosophie de Kant ont intellectuellement préparé l’apparition de la religion séculière et donc aussi le mythe de l’homme nouveau qui en découle.
Le livre s’intéresse également aux antécédents de ce mythe, qui apparaissent depuis le Moyen Âge, et qui fructifieront dans le contexte intellectuel préparé par les penseurs qui viennent d’être cités, et d’autres plus secondaires (de ce point de vue du moins). Le tournant se situe sous la révolution française. La politique a alors commencé à prévaloir sur la religion et c’est alors que sont apparus en toute clarté la religion séculière et le thème de l’homme nouveau. Cependant, c’est le Romantisme, avec ses utopies et ses idéologies, qui a réellement commencé à le mettre en œuvre.
Le mythe a pris un tour radical quand le biologisme, dérivé du darwinisme, qui pensait déjà à un changement biologique, s’est substitué au mécanicisme précédent. Pour ce dernier, la transformation des structures suffisait pour changer la nature humaine. Mais avec l’apogée de la biologie, la politique a commencé à céder la place à la biopolitique et les bio-idéologies ont remplacé à leur tour les idéologies. Le national-socialisme a été décisif pour l’introduction du point du point de vue biologique dans la religion séculière.
La fin du livre reprend l’ensemble du sujet, pour tenter de faire ressortir de quelle manière se présente, en ce début de XXIe siècle, le mythe de l’homme nouveau. Il s’intéresse, pour finir, à la bio-idéologie dite « transhumaniste », pour en saisir l’originalité propre.