Lecture : Quand l’Eglise s’enfonce dans la nuit
On sait la place privilégiée prise par l’abbé Journet dans les « grandes amitiés » de Jacques Maritain et en même temps de sa femme Raïssa et de la sœur de celle-ci, Véra. La publication de la correspondance entre « Jacques très cher » et « mon bien-aimé Charles », comme ils s’appellent affectueusement, vient de s’achever avec la parution d’un sixième volume qui couvre les années 1965 à 1973, année du décès de Jacques Maritain, en avril (Charles Journet décédera exactement deux ans plus tard). Le volume regroupe trois cents lettres, dont la dernière est de novembre 1972. Il est complété par un « Cahier de Rome » et divers textes du Cardinal Journet, ainsi que par diverses annexes qui apportent des précisions à certains sujets abordés dans la correspondance comme le catéchisme hollandais, la régulation des naissances, la traduction française du Canon, le nouveau Missel (à noter, pp. 1044–1048, le jugement du Cardinal Journet sur la nouvelle Messe).
L’année 1965 a commencé de manière douloureuse pour l’abbé Journet. En février, le pape l’a créé cardinal. Le premier réflexe de l’abbé a été de supplier le Saint-Père de lui épargner « cet honneur trop lourd et trop voyant ». Il s’est beaucoup démené afin de refuser, comme il l’écrira à Maritain, « cette atroce nomination » (36), sa vocation étant d’être — comme saint Thomas — simple chercheur en théologie, sans que ses écrits soient affectés d’un coefficient d’autorité. Maritain au contraire le supplie à genoux d’accepter, « pour la cause de saint Thomas » (40). Pour trancher ces références contradictoires à saint Thomas, l’humble abbé Journet se laissera convaincre par les efforts conjugués du pape et de Maritain. […]