Revue de réflexion politique et religieuse.

La rai­son démo­cra­tique dans les limites du reli­gieux

Article publié le 28 Nov 2009 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

S’inspirant de Toc­que­ville et de Bataille aux­quels il a déjà consa­cré quelques écrits, l’auteur, actuel­le­ment pro­fes­seur à Washing­ton (The Catho­lic Uni­ver­si­ty of Ame­ri­ca), pro­pose une réflexion, dans un style inci­sif, sur les rap­ports entre reli­gion et démo­cra­tie.

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Loin de s’opposer, dit-il, celles-ci sont en réa­li­té com­plé­men­taires. Seule la reli­gion gué­rit l’homme du nihi­lisme et lui per­met de sup­por­ter les souf­frances du pré­sent en pla­çant « le but final de la vie après la vie ». L’homme est habi­té par un « désir d’infini et de tota­li­té » qui le place face à une alter­na­tive : « Rejoindre ou rem­pla­cer Dieu ». Contrai­re­ment à la démo­cra­tie amé­ri­caine, la pen­sée des Lumières fran­çaises « s’est conten­tée de nier le sacré en entre­te­nant l’illusion d’un monde pliable et façon­nable aux lois de la Rai­son ». Ce fai­sant, non seule­ment elle mécon­naît « l’instinct reli­gieux » inhé­rent à tout être humain, mais, en vou­lant affran­chir l’homme de sa fini­tude, elle le conduit aus­si à le pri­ver de la « lati­tude de regar­der en avant et vers la hau­teur », engen­drant « abru­tis­se­ment » et « déres­pon­sa­bi­li­sa­tion ».
L’intuition de Toc­que­ville a été de « déduire la cohé­sion et l’équilibre des socié­tés libres d’une limite invi­sible restrei­gnant le pou­voir de l’homme ». Au fond, cet essai est une médi­ta­tion sur la néces­si­té de la « limite » en démo­cra­tie et d’un « bon usage du reli­gieux », lequel est appe­lé à être non plus l’ennemi de la rai­son, mais « sa source et son pro­lon­ge­ment spi­ri­tuels », qui la « rap­pelle au cou­rage de l’humilité en lui dési­gnant ses limites ». C’est dans cette pers­pec­tive que l’auteur se livre à une cri­tique très péné­trante du débat entre J. Der­ri­da et J. Haber­mas au sujet du ter­ro­risme et des atten­tats du 11 sep­tembre et met au jour leur pré­sup­po­sé com­mun : mal­gré leurs appa­rentes dif­fé­rences, l’un et l’autre déduisent « le réel d’un sys­tème lan­ga­gier par­fai­te­ment auto­nome, indé­pen­dant d’une Cause supé­rieure » et « se rejoignent dans la néga­tion d’une ins­tance trans­cen­dante de nature reli­gieuse ». Ce que l’auteur appelle la « ter­reur intel­lec­tuelle à l’âge post­mo­derne » est cette néga­tion de toute trans­cen­dance reli­gieuse — laquelle s’inscrit d’ailleurs, au vrai, dans le mou­ve­ment même de la moder­ni­té —, qui abou­tit par contre­coup à favo­ri­ser le ter­ro­risme isla­mique.
« Mettre au jour l’imposture post­mo­derne » consis­tant à sub­sti­tuer à la reli­gion le « culte d’un lan­gage auto­ré­fé­ren­tiel » source de rela­ti­visme et d’arbitraire, telle est, en défi­ni­tive, l’ambition de cet essai, qui contient par ailleurs des ana­lyses inté­res­santes sur les socié­tés ouvertes face au ter­ro­risme, ques­tion à laquelle J.-M. Hei­mo­net a consa­cré d’autres ouvrages.

(note : cet article a été publié dans Catho­li­ca, n. 99, pp. 142–143)

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