Charles Maurras : Soliloque du prisonnier
Texte méconnu, destiné à l’origine à une publication en espagnol, rédigé en prison en 1948 ou peu après. Maurras écrit à la troisième personne, pour se défendre contre diverses accusations. Ces 79 pages (dont deux anciens textes en annexe) captent l’attention par l’intérêt de leur auteur pour la politique internationale de l’avenir, en ces années fondatrices d’un nouvel équilibre mondial. On reprochait à Maurras son enfermement dans « la seule France ». Il leur répond en critiquant les constructions factices et forcées (l’ONU venait de remplacer la SDN, et l’on était en plein essor de l’ « idée européenne »), méconnaissant les racines des peuples, leurs affinités ou leurs allergies mutuelles – prenant l’exemple des nationalités yougoslaves. Maurras se fait l’avocat de l’union entre Latins, dans lesquels il inclut, sans rancune, les Anglais, mais surtout pas les Allemands tant qu’ils n’auront pas subi une « longue cure d’humilité : avant de redevenir des voisins habitables, ils ont besoin de se tirer complètement du narcissisme germaniste, hégélo-fichtéen, rôle dans lequel ils ont été les enfants gâtés de l’Europe pendant plus de cent ans ». (Sur ce point, Maurras se trouve en accord avec les dénazificateurs, mais il ne devine pas la portée incalculable de la cure de désintoxication qu’ils mettent en oeuvre.) L’éloge chaleureux de la Suisse n’étonne pas, celui des Etats-Unis est plus inattendu. L’expression est sereine, purifiée sans doute par l’épreuve et l’échec, mais à l’époque où il écrit, Maurras confesse encore n’avoir « ni l’honneur ni le bonheur de compter parmi les croyants au catholicisme ».