Revue de réflexion politique et religieuse.

La révo­lu­tion nihi­liste ou pour­quoi le com­pro­mis moderne avec le chris­tia­nisme est deve­nu inutile

Article publié le 10 Avr 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le livre Gram­sci ou le sui­cide de la révo­lu­tion qui vient de paraître en jan­vier 2010 aux édi­tions du Cerf est la troi­sième oeuvre impor­tante d’Augusto Del Noce à être tra­duite en fran­çais. La pre­mière, L’irréligion occi­den­tale (Fac-édi­tions, 1995), était la tra­duc­tion par­tielle du gros ouvrage du phi­lo­sophe sur l’athéisme paru en 1964 sous le titre Il pro­ble­ma del ateis­mo. La seconde, L’époque de la sécu­la­ri­sa­tion (Edi­tions des Syrtes, 2001), était la tra­duc­tion inté­grale du livre ita­lien L’epoca del­la seco­la­riz­za­zione paru en 1970. Ce troi­sième livre, qui vient donc d’être tra­duit, parut en Ita­lie seule­ment en 1978.
Si nous rap­pe­lons ces dates de paru­tion, c’est parce que l’on pour­rait s’étonner que cette nou­velle publi­ca­tion, qui traite d’une époque impor­tante de la phi­lo­so­phie ita­lienne, celle qui couvre la pre­mière moi­tié du XXe siècle et rend compte de l’influence de Croce et Gen­tile sur Gram­sci, n’ait pas été effec­tuée entre le pre­mier et le second livre, puisqu’elle éclaire sin­gu­liè­re­ment la pers­pec­tive glo­bale dans laquelle
s’inscrit la cri­tique de la moder­ni­té opé­rée par Del Noce dans l’ouvrage sur la sécu­la­ri­sa­tion. Augus­to Del Noce n’est pas le pre­mier à déve­lop­per une cri­tique de la moder­ni­té consi­dé­rée comme le triomphe de « l’esprit bour­geois ». Rap­pe­lons, par­mi les devan­ciers célèbres, les ouvrages de Léon Bloy, Wer­ner Som­bart, Nico­las Ber­diaev. Pour ces auteurs, le « bour­geois » désigne moins une caté­go­rie sociale, en rap­port avec la struc­ture de la socié­té divi­sée en classes, qu’un type d’homme, né en Ita­lie, à la Renais­sance, répan­du dans toute l’Europe, et qui a déve­lop­pé des valeurs et des ver­tus très spé­ci­fiques : le bour­geois est un homme qui ne croit qu’au monde des choses visibles et utiles, monde dans lequel il cherche à éta­blir sa sécu­ri­té maté­rielle et son bien-être. Il est l’homme de l’avoir, de la pro­prié­té, de l’argent ; il est géné­ra­le­ment indi­vi­dua­liste. S’il conserve une foi reli­gieuse, celle-ci ne concerne que le monde fini : ses ver­tus sont des ver­tus « pra­tiques », utiles pour ce monde fini, cen­trées sur l’ordre, la tem­pé­rance, la maî­trise de soi, la modé­ra­tion en toute chose. Peu à peu, cepen­dant, il va aban­don­ner toute pré­oc­cu­pa­tion reli­gieuse ou trans­cen­dante. A par­tir du XVIIIe siècle, il sera por­té vers le déisme, puis vers l’agnosticisme ou l’athéisme. La ten­ta­tion de l’athéisme est consub­stan­tielle à « l’esprit bour­geois », ce qui sera consi­dé­ré par Marx comme un pro­grès his­to­rique essen­tiel que la révo­lu­tion ne devra pas remettre en cause. […]

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