Revue de réflexion politique et religieuse.

Edi­to­rial : Le grand mar­ché de la diver­si­té

Article publié le 4 Juil 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

La « diver­si­té » est deve­nue la valeur fon­da­men­tale des socié­tés libé­rales dites avan­cées. Il est éton­nant que ceux qui en font un impé­ra­tif caté­go­rique s’inquiètent, ou feignent de s’inquiéter de la déli­ques­cence du lien social ou de la perte de clar­té de « l’identité natio­nale ». Cette situa­tion n’est pour­tant para­doxale qu’en appa­rence. En effet la frag­men­ta­tion sociale, cultu­relle et poli­tique, cause ou consé­quence de cette valo­ri­sa­tion de la diver­si­té, ne tra­duit pas le dépas­se­ment de la moder­ni­té ou son constat d’échec, mais bien plu­tôt l’une des formes de son pro­jet ini­tial.
Cette recon­nais­sance de la plu­ra­li­té des iden­ti­tés vraies ou fabri­quées remet en cause le carac­tère uni­for­mi­sa­teur et arti­fi­ciel de la citoyen­ne­té moderne, dans des pro­por­tions qui res­tent cepen­dant très variables et par­fois réver­sibles : la mise en avant de la laï­ci­té « posi­tive », par exemple, qui pré­tend pro­mou­voir et régu­ler la diver­si­té reli­gieuse, n’empêche pas le main­tien, voire l’accentuation de la laï­ci­té de com­bat. Le trai­te­ment spé­ci­fique que cette der­nière réserve au chris­tia­nisme relève cepen­dant d’une autre logique.

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La recon­nais­sance d’une « citoyen­ne­té mul­ti­cul­tu­relle » a pour point de départ la prise de conscience de « l’anomalie » que consti­tue le fait que les socié­tés contem­po­raines seraient objec­ti­ve­ment mul­ti­cul­tu­relles mais ne se pensent pas poli­ti­que­ment comme telles, alors même que culture et poli­tique sont étroi­te­ment liées (W. Kym­li­cka, La citoyen­ne­té mul­ti­cul­tu­relle. Une théo­rie libé­rale du droit des mino­ri­tés, La Décou­verte, 2001). Selon les pro­mo­teurs de cette évo­lu­tion, il fau­drait donc inté­grer direc­te­ment les dif­fé­rences dans la sphère poli­tique, pour leur double contri­bu­tion à la citoyen­ne­té « com­mune ».
Les mino­ri­tés cultu­relles, fon­dées sur le prin­cipe de l’autodétermination, doivent, dit-on, se voir recon­naître un rôle spé­ci­fique dans la for­ma­tion de l’identité poli­tique des citoyens ; cela signi­fie que les
indi­vi­dus ne deviennent véri­ta­ble­ment citoyens qu’à par­tir du moment où ils sont, au préa­lable, défi­nis par une « citoyen­ne­té » par­tielle recon­nue dans la sphère publique. Ces mêmes mino­ri­tés, ou iden­ti­tés par­ti­cu­lières, par­ti­cipent à ce titre à la for­ma­tion poli­tique des indi­vi­dus : elles ne doivent donc pas être tolé­rées mais pro­mues au centre de l’espace poli­tique qui, en leur absence, res­te­rait un lieu vide sou­mis aux forces cen­tri­fuges insai­sis­sables que consti­tuent les dif­fé­rences stric­te­ment indi­vi­duelles.

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