Karl Rahner : une analyse critique
Un colloque sur Karl Rahner s’est tenu à Florence les 22 et 23 novembre 2007, organisé par les Franciscains de l’Immaculée, que l’on ne peut que féliciter pour une telle initiative visant à étudier la pensée d’un auteur qui, malheureusement, a exercé et a encore une influence significative sur tant de membres de l’Eglise. Les actes de ce colloque sont parus à la fin de l’année dernière sous le titre Karl Rahner, un’analisi critica. Une étude critique sérieuse de son oeuvre nous semble effectivement l’une des étapes nécessaires pour aider l’Eglise à sortir de la crise dans laquelle elle se trouve depuis plus de quarante ans, à laquelle le théologien allemand n’a pas peu contribué.
Pour mener une telle analyse, il nous faut partir, comme le font la plupart des intervenants de ce colloque, des présupposés philosophiques. Dans sa brève mais substantielle présentation, Antonio Livi (Université du Latran) démontre en effet que Rahner ne procède pas vraiment comme un théologien mais en réalité comme un philosophe, et un philosophe néo-kantien (« La méthode théologique de Karl Rahner : une critique du point de vue épistémologique »). La connaissance transcendantale dont il parle ne provient pas de l’expérience externe du sujet mais elle est censée être atteinte a priori par lui. Pour Alessandro M. Apollonio (recteur du séminaire des Franciscains de l’Immaculée), dans ses « Réflexions critiques sur la mariologie de Karl Rahner », le jésuite allemand réalise une synthèse de tout l’immanentisme moderne. Il démontre de quelle manière Rahner réalise une inversion de l’affirmation réaliste nihil in intellectu nisi prius in sensu [rien dans l’intellect qui ne soit préalablement dans les sens], compromettant la possibilité, en tant que tel, d’un acte de foi raisonnable établi sur des signes réels. La posture gnostique du jésuite le conduit à un idéalisme qui se conjugue à un ontologisme, comme le démontre Manfred Hauke, professeur de théologie à Augsbourg et Lugano (« Karl Rahner dans la critique de Leo Scheffczyk »). Selon la théologie transcendantale, rien ne peut entrer en l’homme de l’extérieur qui ne se trouve auparavant implicitement inscrit en lui. La conséquence de cette position gnostique consiste dans l’affirmation que la révélation du Christ ne fait que rendre explicite ce qui se trouvait déjà implicitement dans l’homme. Hans Christian Schmidbaur (Lugano) explique de son côté de quelle manière la posture philosophique de Rahner entre de manière frontale en collision avec le contenu d’une religion sotériologique dans laquelle le salut se déroule dans l’histoire humaine (« Théologie ascendante ou théologie descendante : J. Ratzinger et H. U. von Balthasar face à Karl Rahner »). Le fondement philosophique de la pensée de Karl Rahner est donc gravement vicié par son point de départ erroné. […]