La subsidiarité comme piège
La subsidiarité n’est pas une notion secondaire, encore moins une notion négligeable. En réalité ce concept, le vocable mis à part, exprime de manière ramassée la mesure de la hiérarchie de nature qui est établie entre les structures sociales élémentaires et les structures complexes qui les surplombent. C’est probablement la raison pour laquelle l’invocation du « principe de subsidiarité » est restée d’un usage secondaire dans le discours social catholique officiel jusqu’à Vatican II inclusivement. En effet, la subsidiarité ne fait que rappeler d’une manière simple et suggestive quelques-unes des vérités élémentaires sur la raison d’être de la politique et de tout exercice de l’autorité sociale, ainsi que sur la bonne articulation des rapports entre les communautés élémentaires et les groupements plus importants constitués à leur service, qu’ils soient d’ordre « privé » ou d’ordre « public ».
La lecture du premier chapitre de la Politique d’Aristote et des commentaires qu’en donne saint Thomas suffirait à le comprendre. La sociabilité commence dans la cellule de base qu’est la famille, mais celle-ci, même élargie et malgré tout ce qu’elle a de précieux pour la vie matérielle et morale de l’homme, reste incapable d’apporter tout ce qui est nécessaire à la vie plénière de ses membres. La division du travail permet que les uns et les autres suppléent en partie et mutuellement à ces besoins élargis, et requiert à son tour une organisation collective permettant la multiplicité de ces suppléances, mais une multiplicité qui soit réellement complémentaire et ordonnée : et tel est l’ordre politique de la cité10. Cet ensemble de possibilités matérielles et morales constitue en lui-même le bien commun de la collectivité politique (on comprend tout de suite que ce bien indivis ne saurait se réduire aux infrastructures économiques), plus élevé et désirable que le bien particulier de chaque membre puisqu’il est la condition même de leur pleine acquisition. […]