Lecture : Le Kurdistan et ses chrétiens
Un livre bizarre, ou deux livres juxtaposés, reflétant peut-être la double personnalité de l’auteur, Mirella Galetti : une première partie serait due à l’universitaire, professeur d’histoire des mondes arabe, musulman et kurde dans plusieurs universités italiennes ; et la seconde partie témoignerait des recherches de type sociologique effectuées sur le terrain, les terrains plutôt, en diaspora comme dans le « Kurdistan ». Le choix de ce terme, en ce moment, est en lui-même source de difficultés. On a pu s’en apercevoir lors d’une conférence au Collège des Bernardins, où un évêque chaldéen de la région, interrogé par l’auteur de ce livre, fit un éloge sans nuance de la politique religieuse menée par les dirigeants (kurdes) dans la « zone autonome » du nord de l’Irak. C’en était gênant, et certains le firent vertement remarquer ou quittèrent avec discrétion l’auditoire. Le propos de Mirella Galletti n’est pas celui-là, il n’en reste pas moins ambigu. Elle a fait le choix de retenir « le nom géographique actuel, plus connu au plan international » (p. 15) ; mais à ce plan, précisément, il a une signification très particulière : il représente le « cadeau » que les Etats-Unis ont accepté de faire à leurs alliés d’occasion qui luttaient, en Irak, contre le président Saddam Hussein, comme eux-mêmes envisageaient de le faire et l’ont fait. Or, la seule carte proposée (p. 355) montre un « Kurdistan » allant d’Alep, en Syrie, à la Géorgie et à l’Arménie, et jusqu’au Turkménistan et à l’Est de l’Iran. C’est donc toute l’Asie centrale et occidentale où se trouvent des kurdophones ou des « chrétiens du Kurdistan » qui est prise en compte ; comme si, pour définir le Maghreb, on montrait tous les pays où vivent des Maghrébins émigrés, en plus des trois Etats du nord de l’Afrique occidentale, ce qui inclurait, entre autres, toute l’Europe occidentale jusqu’à la Scandinavie, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, etc. […]