Revue de réflexion politique et religieuse.

Retour à Prou­dhon ?

Article publié le 4 Juil 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Sans que l’intelligentsia asser­men­tée ose le pen­ser clai­re­ment ou le dire trop haut, l’ordre social le plus élé­men­taire est de plus en plus évi­dem­ment en péril aujourd’hui dans nos socié­tés. L’expression elle-même est deve­nue presque obs­cène, et l’invocation pério­dique de la Répu­blique, et du res­pect qui lui est dû, serait risible si elle n’était si pitoyable : de plus en plus mani­fes­te­ment les inté­rêts pri­vés ou de fac­tion l’emportent sur la chose publique, le gou­ver­ne­ment n’ose plus être qu’une gou­ver­nance, toute auto­ri­té est hon­nie comme intrin­sè­que­ment des­po­tique sinon tota­li­taire, cepen­dant que l’Etat n’existe plus que sous la forme d’une capa­ci­té de contrainte entre les mains d’une fac­tion domi­nante han­tée par la crainte de s’en ser­vir, sauf évi­dem­ment contre des enne­mis du peuple à géo­mé­trie plus que variable. Que nos socié­tés soient sous nos yeux en voie de dis­so­cia­tion, là est l’évidence.
Dans ces sombres moments, cer­tains se rac­crochent au rêve d’un ordre qui naî­trait du désordre, d’une socié­té où, par l’effet de quelque mira­cu­leux arran­ge­ment, les forces cen­tri­fuges conver­ge­raient spon­ta­né­ment. C’est ce qu’avait ten­té de faire un auteur res­sur­gi ici et là comme une nou­velle étoile polaire : je veux par­ler de Pierre-Joseph Prou­dhon.
Les hommes sont peut-être sociables, mais cha­cun d’eux n’en demeu­re­rait pas moins un indi­vi­du dis­tinct, dis­sem­blable et sépa­ré des autres, dont la nature même est dès lors de ne pas pou­voir confondre pure­ment et sim­ple­ment sa volon­té, ses exi­gences, son être phy­sique et moral avec ceux d’une quel­conque col­lec­ti­vi­té. Il n’est de socié­té qui ne sup­pose quelques accom­mo­de­ments, pour ne pas dire quelques sacri­fices, de la part de ses membres. Faire de l’un avec du mul­tiple, c’est tout l’art poli­tique, en même temps que l’objet per­ma­nent de la phi­lo­so­phie poli­tique est de savoir com­ment unir les hommes sans pour autant détruire leur mul­ti­pli­ci­té même, pour autant qu’il soit dans la nature de chaque homme de consti­tuer un être sin­gu­lier et non un grain de sable indis­cer­nable des autres. […]

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