Lecture : Teilhardophilie
« A quoi sert Teilhard ? A nous rappeler le message repris par le christianisme auquel nous ne pouvons échapper. Nous ne serons nous-mêmes que dans une société solidaire. Et l’humanité n’a d’avenir que dans plus de solidarité ». Même s’il souhaite présenter son récent ouvrage comme objectif, Patrice Boudignon agace assez vite, par ses petites incises sur « l’état figé de l’Eglise » dont Teilhard « perçut avec lucidité toutes les lacunes », les « clercs suffisamment imbus de leur pouvoir de décider des affaires humaines pour se croire capables d’empêcher la vérité de surgir », l’« aberration » de l’attitude romaine vis-à-vis du texte de Teilhard sur le péché originel, la « vision sinistre et dépassée du sacerdoce » qui apparaît dans une lettre à ses parents à propos de sa vocation religieuse, « l’enseignement fermement tourné vers le passé », « l’invraisemblance des enseignements du catéchisme »… Bref, l’auteur de l’ouvrage semble en fait littéralement fasciné par le personnage lui-même et par le courant qu’il représente. La biographie, chronologique, n’en est pas moins intéressante pour cerner ce que fut Pierre Teilhard de Chardin, jésuite, savant, voyageur, entretenant des correspondances assidues – c’est peu dire, Teilhard écrit visiblement beaucoup et l’auteur cite abondamment ses échanges – et assez troublantes pour un prêtre avec plusieurs confidentes féminines (notamment avec l’épouse de Paul Vaillant-Couturier), et qui, notamment, se reconnaît « bien plus qu’un enfant du Ciel, un fils de la Terre » (lettre, p. 63), s’élève contre les théologiens, « encore dans un monde qui n’est déjà plus le nôtre », et reçoit avec scepticisme le dogme de l’Assomption (qui risque d’être compris « comme une provocation à la Physique et à la Biologie »)… […]