Éditorial : Au-delà de la crise
Le système moderne tardif, qu’il soit considéré dans ses aspects politiques, économiques, culturels, se caractérise par une apparente contradiction entre l’accentuation des prétentions à contrôler le réel et l’avenir, à faire l’histoire, au sens le plus fort, à transformer le vivant à sa guise, conquérir l’espace, et une montée des peurs, raisonnables ou irrationnelles, accompagnées de doutes et de toutes sortes de décisions allant au-delà de ce qu’imposerait une prudente préparation face aux dangers. Hypermodernité d’un côté, postmodernité de l’autre. Le « principe de précaution », quoi qu’il en soit des phénomènes de surenchère politique, est une illustration caractéristique de la panique qui s’empare de milieux au sein desquels le thème dominant demeure la parfaite maîtrise des situations. Du coup, l’irrationnel prend le dessus, et seul un effort rhétorique vient tenter d’en masquer les effets en employant de grands mots, invoquant la responsabilité, la connaissance scientifique des risques, et ainsi de suite. Et ce qui est extraordinaire, c’est de pouvoir constater que ce genre de dispositions affecte non seulement des secteurs particuliers – une équipe temporairement au pouvoir dans un pays déterminé – mais devient une habitude générale dans le monde occidental. […]