Lecture : Un « mystère de haine » : l’antijésuitisme
Présentant en 1999 un dossier consacré par la Revue de synthèse aux « Jésuites dans le monde moderne », Pierre-Antoine Fabre et Antonella Romano faisaient le double constat que « le temps [était] passé de l’écriture polémique de l’histoire [de la Société de Jésus] » et que « la Compagnie [était] à présent entrée dans le patrimoine collectif de tous ceux qui ont à s’interroger sur notre modernité » [Pierre-Antoine Fabre et Antonella Romano, « Présentation », dans Revue de synthèse, 4e s., n. 2–3, avr.-sept. 1999, p. 247.]. De fait, les historiens ont pris toute la mesure du rôle multiforme joué par les disciples de saint Ignace de Loyola ; parallèlement, de nombreuses enquêtes ont montré, notamment dans le domaine de l’histoire culturelle et intellectuelle, le parti que les chercheurs pouvaient tirer des très riches sources jésuites.
Ce renouvellement des connaissances et de la réflexion a ouvert la voie à une étude à nouveaux frais de l’antijésuitisme, qui est comme le revers du prodigieux essor de l’Ordre fondé en 1540. Débarrassée du souci de laver les Jésuites de leur légende noire, comme de celui d’y ajouter, l’historiographie peut désormais s’intéresser pour lui-même à ce phénomène d’autant plus capital et fascinant qu’il paraît bien avoir été l’un des grands mythes des temps rationalistes. De ce point de vue, le volume dirigé par Pierre-Antoine Fabre et Catherine Maire sur les « Antijésuites » constitue une très belle réussite. Les vingt-cinq contributions rassemblées ici reflètent très bien l’ampleur de cette hostilité à la Compagnie de Jésus, tout en en montrant dans le même temps la grande hétérogénéité : du XVIe au XXe siècle, de l’Europe centrale au Nouveau Monde (voir le texte de Camila Loureiro Dias et Carlos Alberto de Moura Ribeiro Zeron sur l’antijésuitisme dans l’Amérique portugaise), en passant par l’Italie, la France, l’Angleterre ou la péninsule ibérique, c’est sous toutes leurs facettes que sont examinés les antijésuitismes. […]