Lecture : La France, terre de refuge
Depuis plus de quarante ans s’est instaurée sur les « années noires » une version dominante « somme toute assez sommaire et réductrice », dont l’historien américain Paxton est la référence, un déluge de livres et de films présentant au lecteur une image manichéenne mettant en accusation l’attitude des Français et suggérant que la majeure partie d’entre eux fut alors complaisante et lâche, complice de la politique de Vichy dans ce qu’elle eut de pire.
Dans un nouvel ouvrage, La France terre de refuge, Limore Yagil, historienne israélienne, refuse d’emblée cette vulgate et une analyse qui se ferait à partir de la division « trop sommaire » entre collabos et résistants. Elle part d’un constat : « A l’heure actuelle les ouvrages concernant la politique antisémite, les déportations, les camps d’internement et d’extermination, la politique du Commissariat aux questions juives, envahissent notre mémoire, au risque de nous faire oublier qu’un certain nombre de juifs a été sauvé en France, contrairement à d’autres pays européens » (p. 27). C’est donc à cette particularité (à titre de comparaison, aux Pays-Bas 90 % des juifs ont été déportés, contre 60 % en Belgique et 25 % en France) que l’historienne israélienne s’attache au long de cet ouvrage, cherchant à comprendre à travers la perspective de la désobéissance civile comment, par qui et pour quoi des Juifs ont eu majoritairement la vie sauve en France. L’auteur ne parle pas d’action massive en faveur des juifs, mais d’une multitude d’actions, de milliers d’histoires personnelles, reconsidérant ainsi l’histoire du sauvetage qui sans elles n’aurait pas existé, et ne se limite donc pas aux activités courageuses de quelques « Justes » célébrés par l’Etat d’Israël. […]