L’enseignement des vérités de la foi peut-il être antidogmatique ?
Dieu change-t-il en catéchèse ? Cette question ne fit pas seulement le titre d’un article qui assumait ce changement, mais taraude depuis quelques décennies maintenant un certain nombre de familles, de catéchistes, plus largement de chrétiens soucieux de la transmission de la foi en son intégrité. Nous avions rendu compte dans un précédent article de la dernière étape de cette évolution, qu’est le Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France publié en 2006 par la Conférence des évêques de France. La parution récente d’un livre de Joël Molinario donne l’occasion de revenir sur quelques aspects problématiques des dernières décennies avec lesquels le Textenationaln’a pas ou peu rompu. Certes, on ne saurait considérer que l’opinion privée d’un auteur s’impose comme la grille de lecture d’un document offi ciel, dont il n’est même pas un des rédacteurs ; toutefois, sa qualité, entre autres maître de conférences au Theologicum–Faculté de Théologie et de Sciences religieuses de l’Institut catholique de Paris –, formateur au Centre régional de formation pédagogique (CRFP – formation chrétienne et recherche) laisse augurer d’une parole autorisée qui influencera une part non négligeable des orientations et des pratiques qui se revendiqueront du document épiscopal. Quels sont ces aspects problématiques que l’ouvrage de Joël Molinario met particulièrement en exergue à travers son analyse historique et théologique de la condamnation du catéchisme progressif en 1957 ?
Rappelons tout d’abord la trame générale des événements, sur laquelle se posent son évaluation et sa réflexion. En septembre 1957, le Saint-Office émit, en direction de l’Eglise de France, un avis fortement négatif sur ce que l’on appela alors, et continue d’appeler, le catéchisme progressif, en fait une série de travaux théoriques, de documents pédagogiques et de pratiques catéchistiques, qui, pour divers qu’ils fussent, avaient tous pour objectif de renouveler profondément l’enseignement du catéchisme et se trouvaient sous la responsabilité, au moins le regard du Centre national catéchistique. Cet avis romain, même s’il consistait en une demande impérative de rectifications dans un certain nombre de documents, et par là n’interdisait ni tous les travaux ni toutes les initiatives, sonna comme une condamnation d’ensemble, ce que semblèrent confirmer les démissions, quelques mois plus tard, du père Joseph Colomb et de Mgr de Provenchères, jusqu’alors directeur du Centre national catéchistique et président de la Commission épiscopale de l’enseignement religieux. Les prêtres ouvriers interdits et les théologiens de la Nouvelle Théologie dont l’enseignement avait été restreint, paraissaient – du moins certains l’affirmèrent – accueillir en leurs rangs d’incompris ou de parias les artisans de ce renouveau, dont l’écartement signalait à nouveau le fossé qui se creusait entre certains milieux de l’Eglise de France et une Curie romaine qui se cachait, agissante mais rigidifiée, derrière le pontife vieillissant qu’était alors Pie XII. […]