Alice Ferney : Passé sous silence
Deux portraits brossés avec un talent incontestable, tellement transparents que l’on se demande pourquoi l’auteur s’est cru obligé de les travestir. Le premier, celui d’un certain général et homme d’Etat tour à tour adulé par des foules en liesse, puis replié dans l’ombre, avant l’ovation presque unanime d’un retour savamment orchestré sur la scène politique. Un homme imbu de lui-même (« Il ne doutait pas de sa grandeur. […] Le cynisme
du héros atteignait parfois les lisières de l’insupportable »), empruntant, le temps de ce roman, le nom de Jean de Grandberger, De Gaulle évidemment. Le deuxième, celui du colonel Jean Bastien-Thiry, alias Paul Donadieu. Un anonyme de plus dans la foule des admirateurs inconditionnels du précédent. Inconditionnel ? Jusqu’à ce qu’une réalité se dévoilant chaque jour un peu plus durement lui fasse choisir un autre camp. Car l’évidence apparaît en effet bientôt en pleine lumière : le général redevenu chef de l’Etat « n’avait pas hésité à tromper le monde pour satisfaire son ambition », il se parjure, reniant la parole donnée à tout un peuple, avec ses horribles conséquences. C’est précisément cette souffrance imposée que Paul Donadieu ne pourra supporter. […]