Paul Virilio : L’administration de la peur
Architecte et urbaniste, Paul Virilio est devenu au fil du temps un observateur du système social occidental et de ses extensions mondialisées, soulignant en particulier un certain nombre de ses impasses suicidaires. Sur ce plan, sa lucidité – exprimée dans un style qui lui assure une certaine aura mais aussi les plus farouches ennemis – le conduit à des analyses convaincantes et souvent précieuses, quoi qu’en disent ses détracteurs qui ne l’ont souvent lu qu’avec distraction et plus pressés de régler des comptes avec lui (serait-ce parce qu’il ne se cache pas d’être catholique, voire parce qu’il lui arrive de tenir des propos qualifiables de « réactionnaires/conservateurs » ?).
Dans ce recueil d’entretiens, Virilio considère sous plusieurs angles une idée somme toute assez simple : la modernité tardive, dans une fuite en avant vers une maîtrise toujours plus hors limites, a produit une configuration « sociétale » extrêmement instable et vulnérable. Elle est devenue une sorte de machine infernale, emballée et désaxée, produisant peurs et même paniques devant des effets démesurément dévastateurs rendus possibles à tout instant, en tout lieu et à partir d’éléments déclenchants de plus en plus dérisoires. Face à ce risque du « crash systémique », les institutions ou ce qu’il en reste tentent moins d’éviter de faire pâle figure que de transformer ce climat de terreur généralisée en instrument de contrôle et de gouvernement. […]