Revue de réflexion politique et religieuse.

Au sujet de la « réforme de Bologne »

Article publié le 3 Avr 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

En appli­ca­tion de la loi inexo­rable qui régit les rela­tions entre les Etats-Unis et l’Europe, qui voit nos émi­nents diri­geants cri­ti­quer les Amé­ri­cains avec autant de verve qu’ils mani­festent de ser­vi­li­té à imi­ter leur com­por­te­ment, un ensemble de poli­ti­ciens du vieux conti­nent ont signé à Bologne, en 1999, des accords signi­fiant concrè­te­ment la sub­sti­tu­tion du modèle d’études supé­rieures anglo-saxon au modèle uni­ver­si­taire euro­péen. Il y a là un fait tel­le­ment évident qu’il est inutile d’en dis­cu­ter. Le concept tra­di­tion­nel d’Université – uni­ver­si­tas – né à l’ombre des monas­tères et des cathé­drales médié­vales défen­dait une concep­tion géné­ra­liste en faveur des causes ultimes du savoir, incom­pa­tible avec la civi­li­sa­tion actuelle, étran­gère à toute pré­oc­cu­pa­tion visant à com­prendre le pour­quoi des phé­no­mènes qu’elle étu­die et dont les savoirs sont sujets à un haut degré de sec­to­ri­sa­tion et de spé­cia­li­sa­tion. Aujourd’hui ce n’est pas l’université qui inté­resse, mais l’école de com­merce, la busi­ness school. L’abandon du modèle uni­ver­si­taire tra­di­tion­nel et son rem­pla­ce­ment par le modèle anglo-saxon se pré­sente donc comme une étape inévi­table à l’intérieur du mou­ve­ment géné­ral de déca­dence qui détruit la socié­té occi­den­tale, avec plus d’intensité encore depuis la Pre­mière Guerre mon­diale, même si les ori­gines de cette déca­dence remontent plus loin dans le temps – mais ce n’est pas ici le sujet. Des temps meilleurs vien­dront, même s’il ne nous appar­tien­dra pas de les voir.
Reve­nons à ce qui a été signé à Bologne. L’Espagne ayant fait par­tie des signa­taires, la réforme devait y être appli­quée. Cepen­dant ce qui l’a été n’est pas conforme à l’accord qui s’y est conclu, qui évo­quait encore la culture et l’excellence ; c’est le fruit de l’interprétation sui gene­ris que nos auto­ri­tés aca­dé­miques en ont fait.
Le pro­ces­sus s’est dérou­lé par étapes suc­ces­sives. Tout d’abord la Décla­ra­tion de Bologne 19 juin 1999), qui fait adop­ter le modèle amé­ri­cain à l’Europe, et veut faci­li­ter la mobi­li­té ter­ri­to­riale des pro­fes­seurs, pour créer un esprit d’enseignement com­mun, cela sans dis­tinc­tion aucune entre matières ni aires cultu­relles. Or si la chi­mie est la même par­tout, il n’en va pas de même des huma­ni­tés pour les­quelles une telle indif­fé­ren­cia­tion est aber­rante. Et jus­te­ment le Royal Decre­to de 2007, les pres­sions du corps ensei­gnant aidant, a joué dans le sens du pire : éga­li­té de trai­te­ment entre les savoirs, accrois­se­ment du nombre de matières dans un pre­mier cycle de quatre ans, durée et temps d’étude réduit à un an pour le second cycle. La Confé­rence des rec­teurs (CRUE) a encore aggra­vé le mal : dis­tri­bu­tion des 240 « cré­dits » en quatre séances cha­cun toutes matières confon­dues, cours et tra­vaux diri­gés confiés aux mêmes per­sonnes faute de moyens et de per­son­nel. Tout cela va à l’encontre de la réa­li­té, notam­ment du fait que les étu­diants arri­vant à l’université n’ont pas le niveau requis pour assi­mi­ler en si peu de temps ce qu’on exige d’eux.
Est-il pos­sible de pré­voir les effets de cette réforme ? Où donc s’arrêtera cette révo­lu­tion ? Les plai­san­te­ries sur la dif­fi­cul­té de connaître l’avenir sont connues, mais mal­gré tout je prends le risque. Sans pré­ten­tion d’exhaustivité, consi­dé­rons ici ce qui advien­dra inévi­ta­ble­ment, à moins qu’avant qu’il ne soit trop tard une contre-réforme prenne le des­sus.

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