Le Concile, texte et contexte. A propos d’une certaine histoire jamais écrite
On a l’impression d’avoir tout lu sur le concile Vatican II tenu d’octobre 1962 à décembre 1965, qu’il s’agisse d’essais sur l’organisation de l’Eglise, la morale, la liturgie, la doctrine, les dogmes. Tous les modes d’expression descriptifs et analytiques ont d’ailleurs été utilisés, des études spécialisées aux ouvrages monumentaux, des articles scientifiques aux essais engagés, des monographies académiques aux actes de colloques et, bien évidemment des biographies des pères et acteurs conciliaires aux journaux et témoignages des mêmes acteurs.
Ce foisonnement éditorial n’aurait pas forcément été une mauvaise chose en soi si l’on n’avait observé deux tendances lourdes venant gêner la sérénité de sa réception par les générations qui se sont succédé depuis. La première de ces tendances est la promotion systématique d’une vision imposant de manière unilatérale une interprétation enthousiaste et triomphante d’un concile proprement génial dans ses textes, et hagiographique pour l’ensemble de ses promoteurs quitte, le processus biologique ayant fait son œuvre, à progressivement oublier tel ou tel dignitaire ayant révélé in ? fine une capacité de souplesse doctrinale hors des limites acceptables. La deuxième tendance a consisté à occulter pendant trop longtemps la problématique fondamentale inhérente au Concile lui-même : celle de savoir s’il apparaît dans la perspective du développement homogène de la doctrine chrétienne ou s’il a constitué un événement marquant de façon ontologique, à tout le moins une discontinuité voire une rupture dans l’ensemble de l’apport des conciles qui l’ont précédé. En écrivant cela, nous n’avons pas perdu de vue, bien sûr, le débat ostensible entre « traditionalistes » et défenseurs d’un concile offi ciellement pastoral, mais les uns et les autres ayant justement eu une telle propension à rattacher les limites de l’Eglise à leur position respective – l’exclusion étant tout de même une caractéristique plus nette des seconds, devenus dogmatiques – que le fond du débat en fut fort malheureusement biaisé.
C’est pourquoi Il concilio Vaticano II. Una storia mai scritta du professeur Roberto de Mattei vient à point nommé pour clarifier ce débat attendu sur la nature du Concile, notamment à partir de son approche historique.
Gros ouvrage de près de 630 pages, avec un fort appareillage de notes – dont un ensemble biographique rappelant quels furent les acteurs de l’événement – cette histoire inédite possède, outre un index des noms de 25 pages, une bibliographie par genre, à laquelle on doit ajouter une note bibliographique placée en fin d’introduction, renseignant notamment sur les distinctions entre les phases de préparation et de déroulement des travaux, et permettant de situer les discussions entre Pères conciliaires sur les différentes versions des schémas qui leur étaient soumis. Outre l’introduction et la conclusion, l’ouvrage est scindé en sept chapitres chronologiques relativement équilibrés qui vont d’un rappel très opportun de la situation de l’Eglise sous le pontificat de Pie XII, de la marche au Concile à partir de la mort de ce pape jusqu’à « la proclamation de guerre des progressistes », d’un chapitre pour chacune des quatre sessions conciliaires, et enfin de « l’époque » du concile de 1965 à 1978. La période couverte est donc celle des « vent’anni di storia della Chiesa », de la mort de Pie XII en 1958 à celle de Paul VI.