Lecture : A qui irions-nous ?
Christianisme et modernité, tel est le sous-titre d’un essai intitulé La Rupture. C’est en philosophe, si l’on en croit l’éditeur, que l’auteur, Yves Ledure, nous livre sa libre opinion, chemin faisant dans ces contrées déjà fort explorées avant lui. Si l’esprit d’aventure y perd, la sûreté du pas et des voyageurs peut y gagner. Quelque éclairage propice pourrait s’y manifester de façon bienvenue. Pourquoi pas ?
Né en 1934, Yves Ledure est professeur émérite de l’Université de Metz. Mais c’est aussi, et pourquoi le taire, un religieux appartenant à la Congrégation fondée par l’abbé Léon Dehon (1823–1925) vouée à faire aimer le Sacré-Coeur en milieu ouvrier. Mission, prière et esprit de réparation des outrages en sont les axes les plus saillants. Pas la moindre allusion à quelque spiritualité que ce soit dans la réflexion qui s’offre à l’examen. Est-ce le professeur ou le déhonien qui nous parle ? Le propos est spéculatif en diable, d’une abstraction continuelle, invoquant des puissances impersonnelles, des actions sans sujets, des effets sans cause. La transcendance a priori mutile l’homme, affirme Ledure.
L’institutionnel perdure aux dépens de l’Incarnation. L’avenir est annoncé avec autorité ; le présent est toujours de passage, ce qui dispense de l’évaluer. L’auteur gîte au sein d’un monde virtuel, captif d’une esthétique langagière, celle des années 1970. S’il fut jamais religieux de son état, il donne l’impression de n’avoir rien appris, ou tout oublié. Là est une incontestable rupture. Du drame personnel de ce défroqué spirituel, rien d’intime n’est révélé fût-ce de façon allusive. […]