Lecture : Islam, rêves et réalités
En 1955 Massignon publie dans Eranos « L’expérience musulmane de la compassion ordonnée à l’universel à propos de Fatima et de Hallâj ». C’est l’année où paraît Tristes Tropiques de Lévi-Strauss. En 1959 Massignon fait une conférence à la Sorbonne sur « Foucauld au désert, devant le Dieu d’Abraham, Agar et Ismaël ». C’est l’année où paraît, d’Elias Canetti, Masse et puissance. J’ai nommé deux auteurs de premier ordre dont Jacques Keryell, dans son dernier livre sur Louis Massignon, ne souffle mot, et pour cause : il ne semble pas que Massignon les ait pratiqués.
Le second nommé consacre à l’Islam, dans son ouvrage, trois ou quatre pages dont la conclusion – un verset du Coran – ne laisse aucun doute sur l’estime qu’il a de la religion mecquoise : « Quand les mois saints seront passés, tuez les incroyants où que vous les trouviez ; saisissez-vous d’eux, refoulez-les et tendez-leur toutes les embuscades que vous pouvez ». Quant au premier… il vaut la peine de citer intégralement le dernier alinéa du chapitre pénultième des Tristes Tropiques : « Grande religion qui se fonde moins sur l’évidence d’une révélation que sur l’impuissance à nouer des liens au-dehors. En face de la bienveillance universelle du bouddhisme, du désir chrétien de dialogue, l’intolérance musulmane adopte une forme inconsciente chez ceux qui s’en rendent coupables ; car s’ils ne cherchent pas toujours, de façon brutale, à amener autrui à partager leur vérité, ils sont pourtant (et c’est plus grave) incapables de supporter l’existence d’autrui comme autrui. […]