Vatican II, question ouverte
C’est aujourd’hui vers l’Italie que l’on doit tendre l’oreille si l’on veut entendre des paroles et même des colloques et débats publics où une analyse du concile Vatican II et de l’époque post-conciliaire s’énonce, sans atténuation de la pensée ou, à l’inverse, sans que soit agité, pour seule réaction, le chiffon rouge de l’extrémisme.
Certes, en d’autres pays, la France notamment, et depuis longtemps, une critique construite s’est exercée et continue, sauf, peut-être, sur un plan historique, en tout cas avec une ampleur qui puisse rivaliser avec des entreprises dont la monumentale Histoire du Concile Vatican II d’Alberigo est le paradigme. Toutefois, reconnaissons que cette critique plus ancienne n’est guère parvenue à s’extraire du dilemme entre précaution de langage et ostracisme, qu’un certain contexte ecclésial imposait.
Les temps, cependant, sont autres : le discours de Benoît XVI à la Curie, le 22 décembre 2005, a inauguré un contexte nouveau dont l’Italie semble être la première bénéficiaire. Alors que la réflexion portait auparavant sur l’application du concile Vatican II, puis sur sa réception, elle est remontée plus près de la source, au Concile lui-même : l’affaire maintenant est de savoir en quoi, à quel degré, et dans quels domaines il y a continuité ou discontinuité, tant dans l’interprétation que l’on a donnée et continue de donner de telle ou telle partie du corpus conciliaire, que dans ce corpus lui-même par rapport à la doctrine antérieurement professée. Cet angle de réflexion s’est aujourd’hui imposé à tous, et celui qui a opéré ce basculement autorise sans aucun doute une parole plus libre, sans crainte de confinement.
Effectivement, des thématiques somme toute assez connues trouvent donc actuellement en Italie une audience inédite. Parmi d’autres événements, l’on mettra particulièrement en exergue un ouvrage de Roberto de Mattei – l’une de ces études historiques attendues –, et surtout un colloque organisé en décembre 2010 par les Franciscains de l’Immaculée à Rome sur le caractère « pastoral » du Concile. Les propos tenus apportent-ils quelque nouveauté dans le contenu même de la critique ? Il importe d’abord de relever qui sont ceux qui parlent et plus encore les lieux nouveaux où ils le font, sans doute plus larges, certainement plus proches des institutions de l’Eglise. Et l’oreille est rendue plus attentive encore quand l’œil, lui aussi, est attiré, sur fond de gris franciscain, par la pourpre cardinalice côtoyant le violet épiscopal ou le filetage des soutanes de nombre de prélats de la curie. Non qu’il y ait mondanité, mais qui dédaignerait l’importance de cette présence publique de la hiérarchie ecclésiastique, à deux pas du Vatican : le contexte a effectivement bien changé.
Mgr Brunero Gherardini entre dans ce cadre italien qui néanmoins tend à s’internationaliser par le juste intérêt qu’il suscite ; il peut même, en quelque manière, en être considéré comme, sinon le chef de file, du moins l’éclaireur de tête. Tout d’abord par l’activité éditoriale : en 2009, un livre très critique sur le dialogue œcuménique et interreligieux, comme sur la « judéo-dépendance » de l’Eglise comme il la nomme ; la même année, un livre sur le Concile Vatican II, se terminant par une supplique au pape lui enjoignant d’entreprendre enfin l’interprétation magistérielle authentique de certains des documents conciliaires ; en 2010, une importante livraison de la revue Divinitas consacrée entièrement à une clarification historique et théologique de ce qu’est la Tradition dans l’Eglise, depuis publiée en livre ; en 2011, un nouvel ouvrage, dont on parlera plus loin. […]