Collectif : Il Covile
Dans une Eglise traversée successivement par une mentalité de victime de la modernité, puis par l’illusion d’une nouvelle entente avec le « monde » qui en est issu, enfin ces derniers temps par les deux simultanément, la crise de l’art s’est doublée d’une crise des critères du jugement, faute d’une formation suffi samment profonde dans ce domaine. Il s’agit d’une tendance, non d’un état de choses excluant les exceptions, mais celles-ci demeurent ostracisées, au mieux objet de condescendance voire de simple ignorance. Les choix des décideurs ecclésiastiques en matière de construction d’églises, d’ameublement interne des édifices du culte, de musique… ont été marqués, surtout depuis un demi-siècle, par une suite de faux pas, par imprudence, flagornerie ou provocation. Quant aux milieux artistiques concernés, de toutes disciplines, chacun sait qu’ils sont de longue date affectés en profondeur par les transformations idéologiques, économiques et culturelles de la société. La catégorie idéologico-commerciale qualifiée abusivement d’Art contemporain se situe au carrefour des deux crises et donne lieu aux excès les plus scandaleux, célébrés par certains personnages ecclésiastiques en mal de reconnaissance sociale ou secrètement acquis au nihilisme. La France n’a pas le privilège de ce genre de choses, le phénomène est international, mais chaque pays a ses particularités. Ainsi la construction d’églises confiée aux soins d’architectes ignorants en matière religieuse, parfois ouvertement hostiles, bat son plein en Italie, sous l’étonnante direction de la Conférence épiscopale. La France n’est pas épargnée mais les moyens financiers étant plus restreints, les réalisations y sont moins nombreuses, et néanmoins exemplaires, comme dernièrement Notre-Dame-du-Rosaire, aux Lilas, près de Paris (il est vrai financée pour partie par la commune devenue incapable d’entretenir l’ancienne église lui appartenant au titre de la loi de Séparation). Au demeurant, le concepteur en est italien (Mauro Galantino).
En Italie toujours prend forme un mouvement d’opposition, provenant principalement d’architectes, de professeurs de philosophie de l’art, de quelques ecclésiastiques sensibilisés. La revue électronique Il Covile (la Tanière !), dirigée par Stefano Borselli, est très impliquée dans ce combat nouveau, où elle joue un rôle de plaque tournante. Elle offre de nombreux textes de qualité (en italien) sur l’art, l’architecture, la philosophie, la critique de la société contemporaine. Cette initiative fédératrice est notamment liée à un groupe de recherche constitué autour de Nikos Salìngaros, mathématicien et urbaniste professant au sein de diverses universités prestigieuses, attaché à rechercher les moyens de reconstruire une théorie « après le déluge » du fonctionnalisme moderne. Il a notamment dirigé un « manifeste contre les avant-gardes » intitulé No alle archistar, non aux stars de l’architecture qui parsèment le monde de leurs extravagances (Libreria editrice fiorentina, Florence, 2009). Etant donné la richesse de réflexion ainsi mise en œuvre, nous nous efforcerons de revenir largement sur les multiples aspects de ces initiatives.