Alexia Boyeau-Jenecourt : La désobéissance politique
Le livre d’A. Boyeau-Jenecourt reprend une grosse thèse de droit sur la résistance à la norme légale sous ses différentes formes. De ce très clair précis aux innombrables références jurisprudentielles se dégagent deux lignes principales : l’« Etat de droit » cherche à bloquer toute expression qui s’écarterait de sa « religion » propre (l’auteur fait allusion à Kelsen, sur ce point simple figure rajeunie de Rousseau), ce qui explique, par exemple, la différence de traitement entre militants anti-IVG et anti-OGM ; en même temps il a un certain intérêt à laisser jouir d’une liberté contrôlée des désobéissants qui ne remettent pas en cause sa légitimité ou ce qui en tient lieu, d’où la concession de procédés de démocratie participative et autres simulacres.
Les plus libéraux voient dans l’objection de conscience légalisée un de ces contre-pouvoirs chers à Montesquieu, et aussi à John Rawls. A. Boyeau-Jenecourt remarque que si la résistance politique peut être considérée comme une objection de conscience élargie, inversement l’objection de conscience doit alors être considérée comme une résistance politique édulcorée. C’est pourquoi, dit-elle, le pouvoir peut avoir intérêt à la reconnaître, puisqu’elle n’a pas la prétention de le remettre en cause. Cependant le même principe – jeter du lest – joue dans la reconnaissance pratique de la résistance politique, dont la frontière, il faut le souligner, avec la liberté d’expression est des plus incertaines. En tout état de cause, toute reconnaissance d’un droit de dissidence relève en démocratie de l’opportunité politique. La préférence de l’auteur va, en conclusion de son ouvrage, à un élargissement institutionnel de la « délibération » populaire, qui permettrait de neutraliser plus encore le jeu.