Editorial : L’ultime recours
Le conflit historique entre l’Eglise et les institutions nées directement ou indirectement des Lumières n’a décidément pas été résolu, contrairement aux espérances placées dans l’offre de dialogue, assortie de nombreux gestes de bonne volonté, effectuée lors de l’événement conciliaire. Le phénomène moderne a suivi son cours au travers d’interminables conflits, à un prix humain historiquement inédit, et la situation du catholicisme n’a pas non plus changé positivement depuis cinquante ans, elle s’est même très fortement aggravée, en Occident et ailleurs, nul esprit honnête n’en disconvient. Il n’est pas bon d’en rejeter la cause sur la seule méchanceté du monde extérieur, et ce serait de toute façon pour ceux qui s’étaient bercés d’illusions dans les années 1960 une autre manière, mais moins honorable, d’avouer avec retard, fût-ce en mode mineur, l’erreur d’appréciation alors commise.
Toujours est-il que nous avons connu une succession très remarquable d’attitudes politiques, à la fois par leur diversité et par la réduction progressive des ambitions qu’elles ont manifestées. Il y eut le moment démocrate-chrétien (avec ses succédanés « centristes »), celui de l’insertion dans le système des partis, qui a partout fonctionné comme une admirable mécanique d’intégration à l’ordre établi. Puis l’écroulement est arrivé, fruit d’abord de la réussite de cette opération d’intégration, puis aussi de la légitimation conciliaire du pluralisme des options politiques qui a achevé de l’accompagner. L’idée d’entrer de plain pied dans le jeu des partis a alors cédé le pas à des attitudes plus indirectes. En France, sanctuaire de la laïcité, la conférence épiscopale a pris soin de manifester son acquiescement à l’ordre établi, en même temps que son désir de participer au « débat ». On se souvient peut-être des déclarations effectuées lors du centenaire de la loi de Séparation : « Dans un régime de libertés publiques, dont les seules limites sont les exigences de l’ordre public prévues par la loi, l’Eglise catholique reconnaît à toute personne sa pleine et entière liberté de conscience, même lorsqu’elle n’approuve pas l’usage que celle-ci peut en faire. Dans sa présence au sein de la société, l’Eglise catholique privilégie le dialogue, la rencontre, l’échange et le partage. […] Disons-le clairement : l’Eglise catholique en France ne cherche pas à faire pression sur les esprits. Sa situation de confession majoritaire ne lui donne pas des privilèges mais une responsabilité accrue, celle d’apporter sa pierre à l’édification de notre société. Refusant toute attitude sectaire, elle désire contribuer à maintenir vivantes les valeurs religieuses, morales et spirituelles qui font partie du patrimoine de la France et ont contribué à son identité. Si elle intervient dans les débats de notre temps, c’est pour faire entendre sa conception de l’homme et témoigner de l’expérience dont elle est porteuse » (CEF, 15 juin 2005). […]