Massimo Borghesi : Mon cher collègue et ami. Lettres d’Étienne Gilson à Augusto Del Noce
Malgré tous les efforts qui peuvent être faits pour attirer l’attention du public francophone sur l’œuvre du philosophe italien, auteur de l’une des clés les plus utiles pour comprendre le génie du XXe siècle, peu s’y intéressent, invoquant toutes sortes de prétextes (trop italien, trop décousu, trop catholique, trop démocrate-chrétien, intégriste peut-être…). Aussi la parution de ce petit livre (114 p. dont 64 d’introduction) est-elle sous ce rapport bienvenue, Etienne Gilson fournissant auprès de ceux qui l’ont en estime un témoignage en faveur de Del Noce. Bien que M. Borghesi tire le meilleur parti de ces lettres, il faut reconnaître qu’elles sont bien courtes et ne représentent pas le meilleur moyen de connaître beaucoup de choses sur l’impact de la pensée de Del Noce sur le philosophe français. L’un et l’autre concordent sur la critique de Teilhard de Chardin, en partie sur celle de Blondel (Del Noce étant le plus sévère) et à l’arrière-plan, sur celle de Descartes et Malebranche. De même sont-ils d’accord pour rejeter tant la sclérose d’un néo-thomisme aux allures rationalistes, sévissant dans l’immédiat pré-Concile, que la dégradation postconciliaire. Gilson était particulièrement atterré par la « traduction » du « consubstantialem Patri » du Credo par « de même nature que le Père », ce qui lui valut un mot de consolation de Paul VI, mais non le retrait de cette version à strictement parler polythéiste. Là s’arrête l’apport de ce recueil, en réalité mineur, mais qui permettra, espérons-le, d’aiguiser quelques curiosités. Il est dommage que la traduction soit trop fréquemment fautive (« ivi » pour ibidem, la ville de Pérouse – Perugia – orthographiée Pérouge, le « docteur » Casadei… qui n’est pas médecin, etc.).