Maurice Brunetti : Des pépites dans mon marigot
Les débats sur la colonisation, la décolonisation et leurs méfaits ont de quoi lasser. Loin des idéologies déformantes, il est bon de retrouver de temps à autre un peu de l’air qui circulait à ces époques ; quelques monographies, quelques témoignages y aident ; Maurice Brunetti avait choisi une autre voie, celle du roman, dont on sait combien la fiction peut être révélatrice de la réalité. Il avait d’ailleurs commencé sa carrière d’écrivain par un roman policier, couronné, appuyé sur son activité dans le milieu des jeux. Puis il s’est attaché à la Prosodie, à un essai sur les casinos (encore couronné) avant de présenter un roman remarquable sur les débuts de la révolution en Algérie et les relations qu’un jeune musulman du bled pouvait avoir avec le christianisme (Les Voleurs de soleil, chez le même éditeur, qui a repris tous ses anciens ouvrages), lui aussi couronné à l’occasion de sa réédition. Il a décidé, dorénavant, de ne plus raconter que des historiettes, sans aucune prétention, mais qui donnent une vue nouvelle (pour ceux qui l’ignoraient) de la vie en Algérie avant l’indépendance. Ce n’était pas idyllique, certes, mais on y vivait de manière « normale », entre « communautés » comme on ne disait pas, et au sein de ces communautés de Juifs, chrétiens de plusieurs origines, musulmans de la ville, du bled, arabes ou kabyles ; en tant que commissaire de police, l’auteur a bien connu tous ces liens qui se tissaient naturellement, de manière lâche ou serrée, suivant les circonstances, et qui se défaisaient pour se recréer autrement. Un épisode est révélateur de cette civilisation multiculturelle, celui de la tournée du jeune commissaire, il y a soixante ans, dans tous les lieux où le 14 juillet devait être célébré : le monument aux morts, la cathédrale, la grande mosquée, la synagogue, la Préfecture, avant de s’achever chez le boulanger arabe du coin de la rue. Aucune grandiloquence, quelques sourires amusés ; de leçon, guère, même si dans la dernière « pépite » on retrouve la guerre qui commence et que, liés par cette vraie convivialité, des musulmans et des chrétiens tentent de conjurer. Au lecteur qui n’a pas connu l’Oranie ni l’Algérie de ce temps, ce qui paraîtra surprenant, c’est justement l’absence de caractère surprenant de cette vie tellement naturelle, quoique souvent difficile ; pourquoi, de nos jours, et dans un pays autrement civilisé et développé, les « communautés » sont-elles systématiquement antagonistes et jusqu’aux affrontements sanglants ?