Revue de réflexion politique et religieuse.

Mau­rice Bru­net­ti : Des pépites dans mon mari­got

Article publié le 10 Juil 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Les débats sur la colo­ni­sa­tion, la déco­lo­ni­sa­tion et leurs méfaits ont de quoi las­ser. Loin des idéo­lo­gies défor­mantes, il est bon de retrou­ver de temps à autre un peu de l’air qui cir­cu­lait à ces époques ; quelques mono­gra­phies, quelques témoi­gnages y aident ; Mau­rice Bru­net­ti avait choi­si une autre voie, celle du roman, dont on sait com­bien la fic­tion peut être révé­la­trice de la réa­li­té. Il avait d’ailleurs com­men­cé sa car­rière d’écrivain par un roman poli­cier, cou­ron­né, appuyé sur son acti­vi­té dans le milieu des jeux. Puis il s’est atta­ché à la Pro­so­die, à un essai sur les casi­nos (encore cou­ron­né) avant de pré­sen­ter un roman remar­quable sur les débuts de la révo­lu­tion en Algé­rie et les rela­tions qu’un jeune musul­man du bled pou­vait avoir avec le chris­tia­nisme (Les Voleurs de soleil, chez le même édi­teur, qui a repris tous ses anciens ouvrages), lui aus­si cou­ron­né à l’occasion de sa réédi­tion. Il a déci­dé, doré­na­vant, de ne plus racon­ter que des his­to­riettes, sans aucune pré­ten­tion, mais qui donnent une vue nou­velle (pour ceux qui l’ignoraient) de la vie en Algé­rie avant l’indépendance. Ce n’était pas idyl­lique, certes, mais on y vivait de manière « nor­male », entre « com­mu­nau­tés » comme on ne disait pas, et au sein de ces com­mu­nau­tés de Juifs, chré­tiens de plu­sieurs ori­gines, musul­mans de la ville, du bled, arabes ou kabyles ; en tant que com­mis­saire de police, l’auteur a bien connu tous ces liens qui se tis­saient natu­rel­le­ment, de manière lâche ou ser­rée, sui­vant les cir­cons­tances, et qui se défai­saient pour se recréer autre­ment. Un épi­sode est révé­la­teur de cette civi­li­sa­tion mul­ti­cul­tu­relle, celui de la tour­née du jeune com­mis­saire, il y a soixante ans, dans tous les lieux où le 14 juillet devait être célé­bré : le monu­ment aux morts, la cathé­drale, la grande mos­quée, la syna­gogue, la Pré­fec­ture, avant de s’achever chez le bou­lan­ger arabe du coin de la rue. Aucune gran­di­lo­quence, quelques sou­rires amu­sés ; de leçon, guère, même si dans la der­nière « pépite » on retrouve la guerre qui com­mence et que, liés par cette vraie convi­via­li­té, des musul­mans et des chré­tiens tentent de conju­rer. Au lec­teur qui n’a pas connu l’Oranie ni l’Algérie de ce temps, ce qui paraî­tra sur­pre­nant, c’est jus­te­ment l’absence de carac­tère sur­pre­nant de cette vie tel­le­ment natu­relle, quoique sou­vent dif­fi­cile ; pour­quoi, de nos jours, et dans un pays autre­ment civi­li­sé et déve­lop­pé, les « com­mu­nau­tés » sont-elles sys­té­ma­ti­que­ment anta­go­nistes et jusqu’aux affron­te­ments san­glants ?

-->