Michel Salamolard : L’incitation et l’aide au suicide. Le « modèle » suisse et la situation française
Le 15 mai 2011, les habitants du canton de Zurich ont refusé, dans le cadre d’une consultation populaire, deux initiatives législatives visant à encadrer plus strictement les activités des associations Exit et Dignitas qui se sont « spécialisées » dans l’assistance au suicide… moyennant finances. Par ce vote, les Zurichois ont donc réaffirmé leur soutien à l’aide au suicide, pratique autorisée par la loi helvétique à condition qu’elle ne relève pas d’un « mobile égoïste » (sic, article 115 du Code pénal) et régulièrement plébiscitée un peu partout en Europe. Peut-on légaliser l’aide et l’incitation au suicide ? Telle est la question que pose ce court ouvrage de Michel Salamolard, prêtre du diocèse de Sion (Suisse). L’auteur montre que l’Etat ne peut en aucun cas autoriser de telles pratiques sans tourner le dos aux devoirs qui lui incombent dans la recherche du bien commun. Bien plus, les valeurs universelles et humanistes sur lesquelles s’appuient les argumentaires en faveur du suicide assisté – dignité humaine, liberté individuelle et compassion agissante – ne reposent que sur des abus sémantiques et intellectuels qu’il entreprend de démasquer. En une centaine de pages, les arguments sont développés, de manière simple et accessible à tous. Michel Salamolard y plaide pour un développement massif des soins palliatifs qui, seuls, « prodigués avec amour et respect, honorent pleinement la dignité humaine ». On émettra en revanche de sérieuses réserves sur le chapitre 6, « Face à des situations limites ». Il paraît en effet très ambitieux, voire irresponsable de traiter d’éventuelles « situations limites » en cinq petites pages. A supposer que les propos cités de Maurice Abiven soient fondés (lorsqu’il affirme que dans certaines situations exceptionnelles d’agonie particulièrement douloureuses le médecin peut ne pas avoir « à moins de se dérober, d’autres solutions pour mettre fin au calvaire de son patient que de le faire mourir ») – ce qui reste à démontrer autrement que par une simple affirmation –, on ne voit pas comment ils s’appliqueraient à la problématique du suicide assisté. Notons que Maurice Abiven, par ailleurs, n’est pas moraliste mais médecin, et que rien ne permet dans l’ouvrage de déterminer ce qu’il entend par « faire mourir » son patient : lui administrer une dose d’antalgique pour le soulager au risque de provoquer la mort (volontaire indirect) ? administration d’un produit létal (volontaire direct) ? L’imprécision est totale… et l’ambiguïté aussi.
Par ailleurs, on voit mal comment la notion d’épikie pourrait justifier certaines dérogations à la loi interdisant l’aide au suicide (p. 74), puisque cette interdiction relève d’abord de la loi naturelle à laquelle l’épikie (décision en équité dans un cas de lacune du droit positif) ne peut s’appliquer, au dire même de la doctrine thomiste sur laquelle prétend s’appuyer M. Salamolard. Dans un pays où une association comme Exit a « aidé », sur la seule année 2010, 257 personnes à se suicider (cf. Le Figaro du 16 mai 2011), traiter un tel sujet de manière aussi superficielle ne saurait contribuer au nécessaire redressement des consciences et à la clarification des idées, indispensables dans un contexte où l’opinion dominante tend à perdre tout repère moral.