Fethi Benslama : Déclaration d’insoumission. A l’usage des musulmans et de ceux qui ne le sont pas
Respectivement 120 et 100 pages, ces deux livrets sont mis sur le marché pour profiter des circonstances. Tous deux émanent de Tunisiens très occidentalisés. La déclaration d’insoumission, publiée une première fois en 2005, de F. Benslama – psychanalyste, enseignant à l’université de Paris-Diderot – est donnée par son auteur comme prémonitoire : il voit dans les secousses récentes dans le monde arabe une réponse à l’appel qu’il avait lancé à se débarrasser du poids de la religion, à parler d’Islam (avec majuscule, au sens culturel) pour délaisser l’islam (avec une minuscule, au sens religieux). L’intérêt positif de la démarche consiste à mettre en relief la révolution réactionnaire de l’islamisme, lui-même expression actuelle d’un phénomène récurrent rendu nécessaire par l’irrationalité initiale et son garant, la surveillance sociale. Face à la situation d’indignité dans laquelle les dirigeants arabes (musulmans) maintiennent leurs sujets, la seule issue est « le discours sacrificiel de la religion », seule manière de comprendre réellement l’enthousiasme des terroristes suicidaires. En lisant cet auteur, on a cependant l’impression fâcheuse d’un grand manque d’originalité, puisque tout se boucle chez lui sur un appel à la modernisation, par intégration égalitaire des immigrés du Maghreb dans une Europe laboratoire de laïcité. Il ne manque pas de dénoncer, de ce point de vue, l’effet pervers de la discrimination positive, qui enfonce dans la différence.
Son compatriote Mansouri, helléniste enseignant à l’Ecole pratique des Hautes études, et tout aussi mécréant que lui, le rejoint sur ce point, d’une manière assez originale puisque son discours ininterrompu prend la forme de conseils aux étudiants nord-africains désireux de fuir leurs pays d’origine. Ce faisant, il met en évidence beaucoup d’incompréhensions, d’hypocrisies, d’absurdités bureaucratiques, et s’en prend à tous les spécialistes de l’autoflagellation (« “Touche pas à mon pote”. Quelle imposture ! Pauvres beurs ! Des centaines de kilomètres de marche à pied pour un slogan pathétique porté par quelques arrivistes devenus aujourd’hui les notables de l’antiracisme »…) Cependant le même auteur se laisse dériver, au fil de son verbe et de ses riches connaissances et expériences, vers une contradiction fondamentale, toujours la même, qui est celle de vouloir et ne pas vouloir l’assimilation dans un pays dont les ferments de décomposition fascinent en même temps qu’ils répugnent.