Revue de réflexion politique et religieuse.

Laurent Four­quet : L’ère du consom­ma­teur

Article publié le 10 Fév 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

« J’avais lu de nom­breux ouvrages qui pré­tendent cer­ner notre temps, aucun ne m’avait plei­ne­ment satis­fait. En par­ti­cu­lier la notion de socié­té de consom­ma­tion que depuis les années 60, on retrouve un peu par­tout, me parais­sait trop vague et trop étroi­te­ment éco­no­mique pour rendre compte de la com­plexi­té de notre socié­té. Je finis par me deman­der si ce que l’on nomme consom­ma­tion de masse n’était pas la simple décli­nai­son éco­no­mique d’une méca­nique plus glo­bale confé­rant au prin­cipe de consom­ma­tion le pou­voir de régir en tota­li­té notre mode et nos vie ». Par­tant de cette inter­ro­ga­tion, Laurent Four­quet construit un modèle qui met en lumière les règles qui régissent notre époque et le monde occi­den­tal en par­ti­cu­lier, tacites mais néan­moins impo­sées.
Comme Jün­ger, il construit une figure, non du Tra­vailleur mais du Consom­ma­teur qui lui suc­cède aujourd’hui, un être carac­té­ri­sant notre époque dans une rela­tion d’appropriation-aliénation envers ce qui l’entoure. De la mort, « seule réa­li­té tem­po­relle contre laquelle le Consom­ma­teur est désar­mé », au sou­ci angois­sé de l’environnement, en pas­sant par le mépris réser­vé aux embryons ou aux vieillards en
fin de vie, hors-jeu, ce sys­tème for­mate des indi­vi­dus « égoïstes et irres­pon­sables », sortes d’antihéros assu­més dont tous les com­por­te­ments sont régis par la logique de consom­ma­tion, excluant tout ce qui s’y oppose.
Le Consom­ma­teur ren­dant utile tout ce qui l’entoure, la haine du catho­li­cisme devient une « haine objec­tive et pra­tique moti­vée par l’opposition irré­mé­diable entre sa méca­nique interne et l’économie du salut qui est propre à la reli­gion catho­lique ». Il n’est d’ailleurs pas exclu d’en récu­pé­rer cer­tains aspects, ren­dus consom­mables sous la forme d’un chris­tia­nisme sans dogmes ni com­man­de­ments.
Même le capi­ta­lisme a dû s’adapter. L’usine, emblé­ma­tique de l’époque du Tra­vailleur, est rem­pla­cée par un lieu ouvert où le Consom­ma­teur tra­vaillant pour satis­faire son besoin de consom­ma­tion doit s’épanouir et être cor­rec­te­ment rému­né­ré. Ce qui conduit d’ailleurs, le ren­de­ment du tra­vail dimi­nuant, à déve­lop­per la ren­ta­bi­li­té du capi­tal, une des consé­quences étant le déve­lop­pe­ment de la finance de mar­chés. En se pro­je­tant dans l’avenir, Laurent Four­quet parle de « muta­tion radi­cale de l’espèce humaine ». « Le Consom­ma­teur final sera un indi­vi­du fini et ras­sis, inca­pable de conce­voir des Véri­tés qui ne se consomment pas et donc par­fai­te­ment insen­sible au sacré, à la trans­cen­dance, à la dif­fé­rence irré­duc­tible de cer­taines valeurs avec l’usage inté­res­sé que l’on en fait ». La contes­ta­tion inquiète peu le Consom­ma­teur et son sys­tème. D’où qu’elle vienne, il la qua­li­fie immé­dia­te­ment de réac­tion­naire. Notre auteur n’est pas nos­tal­gique du pas­sé, et il semble scep­tique envers toute vision poli­tique (l’islamisme, qu’il prend en exemple, « n’est qu’un néga­tif de la moder­ni­té »). C’est à une résis­tance morale et spi­ri­tuelle qu’il appelle, emprun­tant la voie de l’imitation du Christ, celle du don véri­table en totale contra­dic­tion avec la logique du Consom­ma­teur. La sor­tie de la com­pli­ci­té est cer­tai­ne­ment le meilleur des pre­miers pas.

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