Yves Chiron : Histoire des conciles
Ecrit dans un style très agréable, cet ouvrage borde de manière accessible à tous, néophytes comme spécialistes, l’histoire et le déroulement de chacun de ces vingt et un conciles oecuméniques qui ont constitué « autant de pierres milliaires de l’histoire de l’Eglise », des plus connus (Nicée, Constantinople, Ephèse, Chalcédoine, Latran IV, Trente, Vatican I et II) aux plus obscurs (Vienne, Lyon, Latran I, II, III et V). Le premier intérêt réside dans la mise en évidence de l’élaboration progressive du corpus dogmatique, et en particulier des définitions trinitaires, dont la précision ne peut que porter à la contemplation, mais également tout ce qui concerne le sacrifice eucharistique, Trente constituant à cet égard un modèle indépassable.
En ce sens, cet ouvrage ne peut qu’inciter à (re)lire les textes de certains des anciens conciles, malgré la difficulté. Les débats avec les Orientaux séparés sont également bien mis en valeur, manifestant combien a pu être proche, plus d’une fois, une réconciliation pleine et entière entre « les Grecs » et l’Occident (la dernière tentative, quasi réussie, ayant lieu au concile de Florence, concernant les Grecs, et les Arméniens, Syriens, Coptes, Chaldéens et Maronites de Chypre), ce qui, inversement, met en évidence la faiblesse de l’oecuménisme récent. Un autre intérêt de cette publication réside dans le traitement détaillé des débats ayant eu lieu au cours des siècles à l’occasion de la préparation des conciles, vieillissant d’autant certaines questions actuellement mises en avant de manière récurrente par certains groupes de pression ou abordées lors du dernier concile, qu’il s’agisse du mariage des prêtres, des divorcés remariés, ou de l’usage de la langue vernaculaire dans la liturgie. On peut constater également le souci permanent des pontifes et des évêques assemblés – avec souvent une impression d’écrasement, de la part des acteurs, devant la lourdeur de la tâche – de réformer l’Eglise, in capite et in membris, tout en gardant présent à l’esprit la nécessité de ménager les êtres faibles.
Le dernier concile, quant à lui, se manifeste comme étant nettement « hors du commun », même si l’auteur traite le sujet en historien prudent, relatant en détail les multiples « coups » d’une minorité devenue majorité, profitant du soutien discret des pontifes avant un rétropédalage désespéré pour « modérer » certains textes face à l’arrogance progressiste afin de les faire accepter par la minorité conservatrice, prélude à près de quarante ans de crise de l’autorité. Hors normes, il l’est déjà par le nombre de participants, mais également par les personnalités extérieures (observateurs non catholiques, journalistes) invitées à suivre les débats et qui finissent par peser sur la rédaction de certains textes. Mais atypique, Vatican II le fut également par l’esprit qui l’a animé et que Paul VI devait résumer le 7 décembre 1965 en évoquant « le culte de l’homme » et la « sympathie sans bornes » pour l’humanité. Y. Chiron retient que « [l]e concile a usé de charité plutôt que de sévérité, il n’a pas voulu condamner des erreurs, donner des définitions, il s’est voulu “pastoral”. […] Il est atypique aussi parce qu’il s’est refusé à condamner solennellement des erreurs, à la différence de ce qu’avaient fait tous les conciles oecuméniques antérieurs ». L’auteur s’interroge ainsi incidemment : « Ce caractère “pastoral” du concile Vatican II a suscité, jusqu’à aujourd’hui, un débat : ce concile a‑t-il délivré un enseignement “obligatoire” ou pas ? » (p. 267). Il faudra bien que la question soit tranchée un jour, restant à espérer que cette situation bancale ne perdurera pas indéfiniment.