Revue de réflexion politique et religieuse.

Jaco­po da Nonan­to­la : Mon­te­fu­mo

Article publié le 6 Sep 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Dans ce petit roman enjoué, ins­pi­ré par le Jour­nal d’un curé de cam­pagne de Ber­na­nos, l’auteur, qui se cache sous un pseu­do­nyme pour évi­ter les éti­que­tages, brosse le tableau d’une bour­gade ancien­ne­ment flo­ris­sante du point de vue reli­gieux, deve­nue, pour les sur­vi­vants du cler­gé qui y ont été ins­tal­lés dans un monas­tère désor­mais vide, comme un nou­veau désert des Tar­tares. Le texte est cen­sé com­po­sé des frag­ments d’un jour­nal, heu­reu­se­ment échap­pés à la dis­per­sion, rédi­gés par un vieux biblio­thé­caire de couvent, témoin des chan­ge­ments inter­ve­nus dans le petit monde de Mon­te­fu­mo depuis les len­de­mains du Concile. Trans­pa­rente est l’allusion à un roman d’Antonio Cali­tri, Fan­ciu­lez­za a Mon­te­fu­mo [Enfance à M.], Gas­tal­di, Milan, 1950. Le petit para­dis d’alors est désor­mais per­du. L’ambiance géné­rale de la popu­la­tion, les innom­brables chan­ge­ments de style dans ce qui sub­siste de vie reli­gieuse rap­pellent la tru­cu­lence de La Mes­sa è fini­ta de Nan­ni Moret­ti. Mon­te­fu­mo est un champ de ruines : course à l’argent, alcool, drogue, pros­ti­tu­tion, avor­te­ment, sui­cides, le tout sur fond d’égoïsmes et de choc mul­ti­cul­tu­rel. Le pire, et en un sens la cause de tout cela, est la décom­po­si­tion du cler­gé. Au tra­vers de plu­sieurs por­traits de prêtres réunis dans l’ancien monas­tère, on découvre au quo­ti­dien la légè­re­té des uns, la double vie des autres, l’écroulement des connais­sances reli­gieuses de la plu­part. Mon­te­fu­mo est donc pire qu’Ambricourt, le vil­lage irré­li­gieux du roman de Ber­na­nos. Le mal est plus que jamais interne. Le loin­tain évêque rou­lant en BMW se dés­in­té­resse de ses prêtres, ceux-ci mènent une vie de petits fonc­tion­naires, de petits agi­ta­teurs syn­di­caux ou de tou­ristes per­ma­nents.
« A table, Son Excel­lence a par­lé sans arrêt, fai­sant un long exa­men des causes de la déchris­tia­ni­sa­tion en Europe. Puis, après la tarte aux noix, il a dit qu’il était obli­gé de don­ner une mau­vaise nou­velle : il ne pour­rait pas venir pour les confir­ma­tions, et il enver­rait son auxi­liaire. Il était en effet atten­du pour un ren­dez-vous plus impor­tant en ville : la confé­rence d’une célèbre théo­lo­gienne qui vien­drait tout exprès de Bologne pour illus­trer les pro­di­gieux chan­ge­ments intro­duits par le Concile, chan­ge­ments qu’après tant d’années beau­coup trop de gens n’avaient pas encore com­pris ».
Un petit reste a la pié­té tenace : quelques prêtres jeunes ou âgés, une frac­tion des fidèles qui pré­fère les pèle­ri­nages aux pro­tes­ta­tions syn­di­cales. Les prêtres de Mon­te­fu­mo conservent une cer­taine capa­ci­té de se par­ler. La com­pa­rai­son avec quelques situa­tions fran­çaises don­ne­rait sous ce rap­port un avan­tage à la socia­bi­li­té latine.

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