Jacopo da Nonantola : Montefumo
Dans ce petit roman enjoué, inspiré par le Journal d’un curé de campagne de Bernanos, l’auteur, qui se cache sous un pseudonyme pour éviter les étiquetages, brosse le tableau d’une bourgade anciennement florissante du point de vue religieux, devenue, pour les survivants du clergé qui y ont été installés dans un monastère désormais vide, comme un nouveau désert des Tartares. Le texte est censé composé des fragments d’un journal, heureusement échappés à la dispersion, rédigés par un vieux bibliothécaire de couvent, témoin des changements intervenus dans le petit monde de Montefumo depuis les lendemains du Concile. Transparente est l’allusion à un roman d’Antonio Calitri, Fanciulezza a Montefumo [Enfance à M.], Gastaldi, Milan, 1950. Le petit paradis d’alors est désormais perdu. L’ambiance générale de la population, les innombrables changements de style dans ce qui subsiste de vie religieuse rappellent la truculence de La Messa è finita de Nanni Moretti. Montefumo est un champ de ruines : course à l’argent, alcool, drogue, prostitution, avortement, suicides, le tout sur fond d’égoïsmes et de choc multiculturel. Le pire, et en un sens la cause de tout cela, est la décomposition du clergé. Au travers de plusieurs portraits de prêtres réunis dans l’ancien monastère, on découvre au quotidien la légèreté des uns, la double vie des autres, l’écroulement des connaissances religieuses de la plupart. Montefumo est donc pire qu’Ambricourt, le village irréligieux du roman de Bernanos. Le mal est plus que jamais interne. Le lointain évêque roulant en BMW se désintéresse de ses prêtres, ceux-ci mènent une vie de petits fonctionnaires, de petits agitateurs syndicaux ou de touristes permanents.
« A table, Son Excellence a parlé sans arrêt, faisant un long examen des causes de la déchristianisation en Europe. Puis, après la tarte aux noix, il a dit qu’il était obligé de donner une mauvaise nouvelle : il ne pourrait pas venir pour les confirmations, et il enverrait son auxiliaire. Il était en effet attendu pour un rendez-vous plus important en ville : la conférence d’une célèbre théologienne qui viendrait tout exprès de Bologne pour illustrer les prodigieux changements introduits par le Concile, changements qu’après tant d’années beaucoup trop de gens n’avaient pas encore compris ».
Un petit reste a la piété tenace : quelques prêtres jeunes ou âgés, une fraction des fidèles qui préfère les pèlerinages aux protestations syndicales. Les prêtres de Montefumo conservent une certaine capacité de se parler. La comparaison avec quelques situations françaises donnerait sous ce rapport un avantage à la sociabilité latine.