Yvonne Bongert : Histoire du droit pénal. Cours de doctorat
L’éditeur a ouvert une judicieuse collection de textes juridiques anciens, appelée à juste titre Les introuvables. Après Michel Virally (La pensée juridique, 1960), Georges Burdeau (Ecrits de droit constitutionnel et de science politique) ou Adhémar Esmein (Histoire de la procédure criminelle en France, 1882), il s’agit ici de deux cours de doctorat professés par Mlle Bongert, professeur émérite de Paris II Assas, et publiés en 1972 et 1973 sous forme polycopiée par Les cours du droit.
Connue pour sa thèse remarquable (Recherches sur les cours laïques du Xe au XIIIe siècle, récemment rééditée par L’Harmattan), Y. Bongert a longtemps enseigné l’histoire du droit pénal et de la procédure pénale (de 1965 à 1988), tout en « mettant au premier plan les sources, auteurs doctrinaux et actes de la pratique […] ne négligeant aucun détail et en s’appuyant […] sur les ressources de la lexicographie. […] Le tout était couronné par une réflexion philosophique articulée autour des notions de juste et de bien commun » (p. 5).
L’ouvrage, divisé en deux parties, correspond à deux cours consacrés l’un au « droit pénal français médiéval de la seconde moitié du XIIIe siècle à l’ordonnance de 1493 » (pp. 21–270), et l’autre au « droit pénal français moderne de la fin du XVe siècle à l’ordonnance criminelle de 1670 » (pp. 273–503). Ces cours embrassent le droit et la procédure « l’un et l’autre étant étroitement liés » (p. 21), et retracent l’évolution du système répressif depuis l’institutionnalisation de la justice criminelle sous saint Louis, en se servant tant des sources doctrinales que des actes de la pratique. L’organisation judiciaire est étudiée en premier lieu, avant d’aborder la procédure, les délits et les peines, et en dernier lieu, avec brio, la responsabilité pénale du délinquant. Dans le sillage de Paul Fournier (Les officialités au Moyen Age, Paris, 1880), l’auteur précise ce qu’est l’inquisition canonique, entre l’enquête d’office franque (l’aprise) et l’enquête civile romano-canonique (p. 90). Si l’inquisitio hereticae pravitatis a exercé une « influence considérable sur la procédure criminelle des cours laïques à partir de la fin du XIIIe siècle » (p. 347), il faut ajouter que des travaux récents ont recentré cette influence, indéniable, sur la France du Nord. Celle du Midi connaissait déjà, du moins partiellement et dans certaines villes, une telle procédure inquisitoire.
La question des peines ecclésiastiques est traitée avec beaucoup de finesse (p. 296). Leur but est médicinal, pour amener le coupable à résipiscence, ce qui explique la place particulière de l’« emmurement » dans l’arsenal répressif ecclésiastique, qui n’existe quasiment pas dans la juridiction laïque. La peine d’emprisonnement servait « à corriger le coupable autant qu’à le punir ; elle avait une fonction d’amendement » (p. 202, n. 479). La deuxième partie de l’ouvrage suit un plan analogue, non achevé cependant. Sont traités l’organisation judiciaire, la procédure et les délits et les peines, d’ailleurs limités, faute de temps, à deux champs d’étude seulement (paillardise et larcin). Cette époque est celle de la réorganisation de la justice royale, de la prise en main du contentieux par l’Etat, qui tente de réduire les juridictions adverses de la sienne (municipales, seigneuriales, ecclésiastiques). Divers mécanismes sont inventés pour permettre au juge civil de gagner en influence : l’appel et la prévention sont des moyens de choix, en sus des cas royaux dont la connaissance n’appartient évidemment qu’au juge royal. Concernant l’ordre ecclésial, ce sont les appels comme d’abus (interjetés d’une décision ecclésiastique, auprès du Parlement), les cas privilégiés ou les nombreuses saisies du temporel qui participent de l’abaissement de cette justice concurrente. L’entreprise sera achevée en 1695 avec l’édit sur la juridiction ecclésiastique, ne laissant aux officialités que les litiges purement spirituels.
Bien écrits, bien documentés, et désormais bien présentés, ces cours font regretter une seule chose, que l’auteur n’ait pas livré la suite de l’histoire.