Revue de réflexion politique et religieuse.

Les devoirs du prince selon Riche­lieu

Article publié le 28 Sep 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Histo­ri­que­ment mar­qué par son époque, la France de Louis XIII, à laquelle se rap­portent direc­te­ment la qua­si-tota­li­té de ses consi­dé­ra­tions, le Tes­ta­ment poli­tique ((. Riche­lieu, Tes­ta­ment poli­tique, coll. « Les Mémo­rables », Per­rin, 2011, 22 €, édi­tion sui­vant pour l’essentiel l’édition savante la plus récente du Tes­ta­ment poli­tique par Fran­çoise Hil­de­shei­mer (Paris, Cham­pion, 1995), pré­sen­tée ici par Arnaud Teys­sier, haut fonc­tion­naire et his­to­rien.))  de Riche­lieu énonce néan­moins de nom­breuses maximes, cise­lées comme pour en être plus faci­le­ment extraites, qui exposent des réflexions sur la fina­li­té et l’exercice du pou­voir dont la por­tée s’étend bien au-delà de leur contexte, même si ce der­nier doit tou­jours demeu­rer à l’esprit pour ne pas les més­in­ter­pré­ter. Cet écrit, dont on dit le ton plus modé­ré que d’autres oeuvres de Riche­lieu, n’épuise pas la pen­sée de ce der­nier, dont une plus juste com­pré­hen­sion appel­le­rait d’autres inves­ti­ga­tions qui excèdent le cadre de cette pré­sen­ta­tion. Celle-ci se limite à une lec­ture du texte en lui-même, dans le but de pré­sen­ter les prin­ci­pales réflexions qui y sont expo­sées rela­ti­ve­ment à la poli­tique, sa fina­li­té et les ver­tus qu’elle exige, et de ten­ter d’apprécier dans quelle mesure celles-ci sont nour­ries par le creu­set chré­tien ou la phi­lo­so­phie clas­sique, ou encore par des concep­tions modernes repo­sant sur l’idée de puis­sance ou de rai­son d’Etat.
Ain­si que l’écrit Riche­lieu, « le pre­mier fon­de­ment du bon­heur d’un Etat est l’établissement du règne de Dieu », lequel est le prin­cipe du gou­ver­ne­ment. La pre­mière voie pour l’établissement d’un tel règne est la bonne vie des princes qui est une « loi par­lante et obli­geante avec plus d’efficacité que toutes celles qu’ils pour­raient faire pour contraindre au bien qu’ils veulent pro­cu­rer ». Riche­lieu accorde ain­si plus d’importance à l’exemple du prince qu’à ses lois : si le prince « ne suit la volon­té de son Créa­teur et ne se sou­met à ses lois, [il] ne doit point espé­rer de faire obser­ver les siennes et de voir ses sujets obéis­sants à ses ordres ». Le prince est res­pon­sable devant Dieu du repos de l’Etat. Il doit, notam­ment, « pro­cu­rer la conver­sion de ceux qui, vivant sous son règne, sont dévoyés du che­min du salut ». Riche­lieu pré­cise tou­te­fois que, l’homme étant rai­son­nable par sa nature, le prince ne doit pas user d’« autre voie que celle de la dou­ceur ». Les devoirs des princes sont beau­coup plus éten­dus que ceux des par­ti­cu­liers, et ils devront en rendre compte devant Dieu.
Riche­lieu sou­ligne la dis­tinc­tion entre la puis­sance spi­ri­tuelle et la puis­sance tem­po­relle. Les princes sont obli­gés « à recon­naître l’autorité de l’Eglise, se sou­mettre à ses saints décrets et y rendre une entière obéis­sance » en ce qui concerne la puis­sance spi­ri­tuelle. Il cri­tique par consé­quent la dérive des appels comme d’abus qui, ini­tia­le­ment des­ti­nés à arrê­ter le cours des empié­te­ments que les juges ecclé­sias­tiques pou­vaient faire sur la juri­dic­tion royale, sont deve­nus pour les Par­le­ments l’occasion de s’attirer la connais­sance de la plus grande par­tie de ce qui n’appartient qu’au tri­bu­nal de l’Eglise de Dieu. Réci­pro­que­ment, il rap­pelle que « si les rois sont obli­gés de res­pec­ter la tiare des sou­ve­rains pon­tifes, ils le sont aus­si de conser­ver la puis­sance de leur cou­ronne », en prô­nant, en telle matière, l’écoute des per­sonnes doctes et sin­cères, ain­si que la réfé­rence aux his­to­riens et aux plus célèbres auteurs dépouillés de pas­sion qui ont écrit en chaque siècle.
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