Les devoirs du prince selon Richelieu
Historiquement marqué par son époque, la France de Louis XIII, à laquelle se rapportent directement la quasi-totalité de ses considérations, le Testament politique ((. Richelieu, Testament politique, coll. « Les Mémorables », Perrin, 2011, 22 €, édition suivant pour l’essentiel l’édition savante la plus récente du Testament politique par Françoise Hildesheimer (Paris, Champion, 1995), présentée ici par Arnaud Teyssier, haut fonctionnaire et historien.)) de Richelieu énonce néanmoins de nombreuses maximes, ciselées comme pour en être plus facilement extraites, qui exposent des réflexions sur la finalité et l’exercice du pouvoir dont la portée s’étend bien au-delà de leur contexte, même si ce dernier doit toujours demeurer à l’esprit pour ne pas les mésinterpréter. Cet écrit, dont on dit le ton plus modéré que d’autres oeuvres de Richelieu, n’épuise pas la pensée de ce dernier, dont une plus juste compréhension appellerait d’autres investigations qui excèdent le cadre de cette présentation. Celle-ci se limite à une lecture du texte en lui-même, dans le but de présenter les principales réflexions qui y sont exposées relativement à la politique, sa finalité et les vertus qu’elle exige, et de tenter d’apprécier dans quelle mesure celles-ci sont nourries par le creuset chrétien ou la philosophie classique, ou encore par des conceptions modernes reposant sur l’idée de puissance ou de raison d’Etat.
Ainsi que l’écrit Richelieu, « le premier fondement du bonheur d’un Etat est l’établissement du règne de Dieu », lequel est le principe du gouvernement. La première voie pour l’établissement d’un tel règne est la bonne vie des princes qui est une « loi parlante et obligeante avec plus d’efficacité que toutes celles qu’ils pourraient faire pour contraindre au bien qu’ils veulent procurer ». Richelieu accorde ainsi plus d’importance à l’exemple du prince qu’à ses lois : si le prince « ne suit la volonté de son Créateur et ne se soumet à ses lois, [il] ne doit point espérer de faire observer les siennes et de voir ses sujets obéissants à ses ordres ». Le prince est responsable devant Dieu du repos de l’Etat. Il doit, notamment, « procurer la conversion de ceux qui, vivant sous son règne, sont dévoyés du chemin du salut ». Richelieu précise toutefois que, l’homme étant raisonnable par sa nature, le prince ne doit pas user d’« autre voie que celle de la douceur ». Les devoirs des princes sont beaucoup plus étendus que ceux des particuliers, et ils devront en rendre compte devant Dieu.
Richelieu souligne la distinction entre la puissance spirituelle et la puissance temporelle. Les princes sont obligés « à reconnaître l’autorité de l’Eglise, se soumettre à ses saints décrets et y rendre une entière obéissance » en ce qui concerne la puissance spirituelle. Il critique par conséquent la dérive des appels comme d’abus qui, initialement destinés à arrêter le cours des empiétements que les juges ecclésiastiques pouvaient faire sur la juridiction royale, sont devenus pour les Parlements l’occasion de s’attirer la connaissance de la plus grande partie de ce qui n’appartient qu’au tribunal de l’Eglise de Dieu. Réciproquement, il rappelle que « si les rois sont obligés de respecter la tiare des souverains pontifes, ils le sont aussi de conserver la puissance de leur couronne », en prônant, en telle matière, l’écoute des personnes doctes et sincères, ainsi que la référence aux historiens et aux plus célèbres auteurs dépouillés de passion qui ont écrit en chaque siècle.
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