Lectures : Autobiographies présidentielles de Clinton à Obama
Le meilleur moyen de comprendre un être sera toujours de l’écouter. Sans offrir une pleine proximité humaine, les livres-disques donnent à une oeuvre une voix qui n’est pas celle de la lecture silencieuse – et ce complément n’est pas sans charme. Ils peuvent même assurer une certaine présence de l’auteur lorsque celui-ci se fait lecteur de ses propres écrits. Selon un usage répandu dans le monde anglo-saxon plus qu’en France, les deux présidents Bill Clinton (1992–2000) et Barack Obama (élu en 2008) ont ainsi enregistré leur autobiographie, chacun avec son accent propre (qui n’est pas celui d’Oxford) et des intonations singulièrement vivantes.
L’actualité électorale américaine justifie un retour vers l’éclairage ainsi porté sur la première puissance au monde. My Life ((. Bill Clinton, My life, read by the author, Random House Audio, 2004, 6 h 30.)) renvoie de Bill Clinton une image irrésistiblement sympathique. Good guy de l’Arkansas profond né en 1946, orphelin de père, mère remariée à un alcoolique qui la battait, il nous raconte son enfance avec une émotion contenue. Authentique Américain, il croit au leadership et à la conscience, au courage personnel et au travail en équipe. Son héros se nomme J.-F. Kennedy. I have a dream le fait rêver. Il entre tout jeune en politique. Il milite contre la guerre du Viêt-Nam, mais il se retient pour ne pas se porter volontaire – il se demande d’ailleurs encore s’il n’aurait pas dû partir se battre aux côtés des camarades de sa classe. Il rencontre Hillary ; ils parlent pendant des heures, de tout et de rien ; ils se marient ; c’est un grand bonheur. Clinton trouve un ton juste pour évoquer le mystère du mariage entre un homme et une femme, les incompréhensions mutuelles, et les épreuves surmontées ensemble ; la grande joie de leur vie restera la naissance de leur fille unique ; ils ont eu du mal à l’avoir ; ils la prénomment Chelsea, d’après le nom d’une chanson à la mode. Bien sûr, ce n’est pas toujours facile. Contrairement à d’autres affaires (Gennifer Flowers, Paula Jones…), le scandale Monica Lewinsky occupe une part non négligeable de My Life ; Bill en parle avec pudeur ; c’est un homme comme les autres ; il se sait faible ; il ne sait pas comment il a pu faillir à ce point ; il a voulu protéger sa famille, et ce n’est pas facile pour un homme public ; on le lui a fait payer très cher, on a failli le déposer ; mais le solide bon sens américain l’a emporté et la page a été tournée ; ça a été très dur avec Hillary ; elle a été extraordinaire ; ils en sont ressortis encore meilleurs et en s’aimant encore plus.
Avec ceci, My Life fourmille de détails électoraux ; on y a droit à tous les résultats possibles, assortis de commentaires manifestement importants pour leur auteur : Clinton fut le premier gouverneur de l’Arkansas à être élu, battu puis réélu ; il fut le premier président démocrate depuis Truman à être reconduit, etc. Il ne s’étend pas trop sur le fait qu’il a gagné en 1992 à la faveur de l’une des rares triangulaires de l’histoire américaine. […]