Revue de réflexion politique et religieuse.

Lec­tures : L’Eglise de France et la ques­tion juive

Article publié le 18 Nov 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Voici quinze ans, la ques­tion juive était d’une actua­li­té brû­lante et l’épiscopat se pré­pa­rait à se repen­tir à ce sujet. Une tem­pête média­tique ((. Jean-Louis Clé­ment, « La repen­tance de Dran­cy face aux médias » in Michel Mathien (dir.), La média­ti­sa­tion de l’Histoire. Ses risques et ses espoirs, Bruy­lant, Bruxelles, 2005, pp. 147–154.))  avait entou­ré la céré­mo­nie de Dran­cy de sep­tembre 1997 alors qu’il était patent qu’elle ne visait qu’à légi­ti­mer les choix poli­tiques de catho­liques enga­gés dans la Résis­tance puis dans un cer­tain aggior­na­men­to de l’Eglise de France avant, pen­dant et après le Concile. Faut-il donc voir en Syl­vie Ber­nay un cher­cheur plein de cou­rage pour remettre sur le métier une enquête his­to­rique char­gée de pas­sions ? La galan­te­rie oblige tout gen­til­homme.
La qua­li­té des archives qu’elle a uti­li­sées est remar­quable. En 2003, elle a obte­nu le sou­tien du car­di­nal Jean-Marie Lus­ti­ger (1926–2008) pour mener à bien sa recherche ((. Entre­tien accor­dé par Syl­vie Ber­nay à l’agence de presse élec­tro­nique Zénit, 18 jan­vier 2012.)) . En consé­quence, le fonds Mgr Hen­ri Chap­pou­lie, repré­sen­tant per­ma­nent de l’Assemblée des Car­di­naux et Arche­vêques de France auprès de l’Etat fran­çais (1940–1944) lui fut ren­du ouvert ((. Quand j’avais intro­duit ma demande de consul­ta­tion de ce fonds en 1997, il m’avait été répon­du que les dos­siers ne conte­naient que des demandes de bons d’essence. Ce point est vrai, mais les archives publiques lais­saient déjà pen­ser qu’ils conte­naient matière à éclai­rer bien d’autres sujets et Syl­vie Ber­nay a su en extraire des ren­sei­gne­ments très utiles. La poli­tique d’ouverture des archives par l’épiscopat obéit à une logique flo­ren­tine qui déroute l’historien sou­cieux de la véri­té des faits jusqu’au scru­pule.)) . Les archives de Mgr Emile Guer­ry, arche­vêque coad­ju­teur de Cam­brai et secré­taire-adjoint de la com­mis­sion per­ma­nente de l’Assemblée des Car­di­naux et Arche­vêques, étaient soi-disant détruites par une inon­da­tion à la mai­son mère des Petites Soeurs des Mater­ni­tés catho­liques de Bour­goin-Jal­lieu. Il sem­ble­rait qu’un miracle mosaïque les ait sau­vées des eaux puisqu’elles sont consul­tables aujourd’hui au Centre natio­nal des Archives de l’Eglise de France. Le tra­vail éru­dit de Syl­vie Ber­nay ((. Syl­vie Ber­nay, L’Eglise de France face à la per­sé­cu­tion des Juifs, CNRS Edi­tions, 2012.))  fait donc date pour por­ter à la connais­sance du public des faits jusqu’à pré­sents mal res­ti­tués faute d’archives. Il fera date aus­si pour appor­ter une cer­taine inflexion à l’historiographe de l’histoire reli­gieuse de la France avant et pen­dant la Seconde Guerre mon­diale. Cela est lié aux ana­mor­phoses de la réa­li­té qu’introduit Syl­vie Ber­nay par ses choix et sa méthode de tra­vail.
Cet article vise donc à appor­ter les cor­rec­tifs néces­saires aux conclu­sions éta­blies par Syl­vie Ber­nay pour res­ti­tuer, au plus près des docu­ments, un pas­sé révo­lu qui fut tis­sé d’événements par­fois conco­mi­tants par­fois suc­ces­sifs mais qui se sont dérou­lés si vite que les gens de ce temps-là pei­naient à lire les « signes des temps », pré­fé­rant se concen­trer prio­ri­tai­re­ment sur l’approvisionnement – da nobis panem quo­ti­dia­num. Après avoir réta­bli des dis­tinc­tions néces­saires et sup­pri­mé des sépa­ra­tions incon­grues, un cer­tain nombre de faits seront repla­cés dans un contexte his­to­rique et juri­dique plus ample. Cela fait, il sera ten­té de savoir à quelle fin répond ce tra­vail. […]

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