Revue de réflexion politique et religieuse.

Pierre Gou­ri­nard : Les Roya­listes en Algé­rie de 1830 à 1962. De la colo­ni­sa­tion au drame

Article publié le 18 Nov 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Thèse de doc­to­rat d’histoire, d’un auteur extrê­me­ment pré­cis, cet ouvrage est d’une ampleur beau­coup plus large que son titre ne le laisse sup­po­ser. Certes, le fil conti­nu est consti­tué par l’étude des dif­fé­rents cou­rants roya­listes, légi­ti­mistes ou orléa­nistes, étroi­te­ment liés dès l’origine à l’installation de la France en Algé­rie – n’oublions pas, entre autres, que le débar­que­ment de Sidi Fer­ruch com­mence le 14 juin 1830, sous le règne de Charles X, qui céde­ra sa place devant l’émeute à Louis-Phi­lippe, après les Trois Glo­rieuses, du 27 au 29 juillet, chan­ge­ment de régime lourd de consé­quences en Algé­rie. Véri­table mine de ren­sei­gne­ments sur l’implantation des Fran­çais, puis d’autres arri­vants venus des pays médi­ter­ra­néens envi­ron­nants, Pierre Gou­ri­nard livre une his­toire géné­rale de la colo­ni­sa­tion de l’ancienne base arrière des pirates bar­ba­resques et de son peu­ple­ment, des dif­fi­cul­tés d’implantation de l’Eglise, enfin d’un milieu poli­tique res­treint mais actif intel­lec­tuel­le­ment ain­si que dans la vie publique. Pour la part la plus récente, l’auteur parle aus­si en témoin, puisqu’il a fait par­tie du petit cercle des roya­listes algé­rois, en com­pa­gnie de ses amis Jean Brune et Pierre Dimech, ce der­nier pré­fa­çant son livre en termes cha­leu­reux.
Du point de vue du roya­lisme, une nette césure appa­raît entre le XIXe et le XXe siècle, le terme pre­nant sa consis­tance plus idéo­lo­gique que poli­tique à par­tir de 1900, du moins en Métro­pole. Sur place, l’écho de l’Action fran­çaise est tar­dif. L’historien le situe après la fin de la Grande Guerre, dans les années 1920. Les autres ligues étaient déjà ins­tal­lées, sur un ter­reau ancien, cor­res­pon­dant à la sta­bi­li­sa­tion de la popu­la­tion euro­péenne, et à la sym­biose avec la vie poli­tique métro­po­li­taine, qui ne ces­sa que lors de la cas­sure finale, à par­tir de 1958–59, sans être jamais totale. L’ouvrage replace tel­le­ment les acti­vi­tés par­ti­cu­lières des roya­listes – désor­mais ligueurs ou came­lots du Roi – dans le creu­set géné­ral de l’histoire locale qu’il consti­tue en fait une véri­table ana­lyse poli­tique, pro­lon­gée dans le temps, de la manière dont les gou­ver­ne­ments fran­çais ont diri­gé, ou se sont abs­te­nus de diri­ger l’organisation des dépar­te­ments d’Algérie, et notam­ment le sta­tut juri­dique des autoch­tones d’origine ara­bo-ber­bère. A cet égard, et c’est ici une conti­nui­té très nette que met en relief Pierre Gou­ri­nard, un sou­ci fut constant, des ori­gines à 1962, dans les milieux qu’il étu­die : celui de s’ouvrir aux popu­la­tions locales, à leurs élites, et de mettre à leur dis­po­si­tion les moyens d’accéder à la civi­li­sa­tion chré­tienne, avec une nuance beau­coup plus reli­gieuse dans les débuts. En cohé­rence avec des posi­tions qui se rap­pro­chaient du catho­li­cisme social, les roya­listes des années 1930 ont pro­po­sé la solu­tion cor­po­ra­tiste, à l’opposé du choix offert par les ins­ti­tu­tions offi­cielles, prêtes à accor­der la pleine citoyen­ne­té aux Indi­gènes sous réserve qu’ils renoncent à leur sta­tut per­son­nel, en d’autres termes, qu’ils apos­ta­sient en par­tie l’islam. Ils ont long­temps béné­fi­cié du sou­tien de per­son­na­li­tés musul­manes (l’auteur indique qu’avant 1940 Ferhat Abbas lisait Maur­ras et Mari­tain). C’est cepen­dant au XIXe siècle, presque immé­dia­te­ment, que la ques­tion de la mis­sion s’est trou­vée posée, se heur­tant à la mau­vaise volon­té, voire à la franche hos­ti­li­té d’une admi­nis­tra­tion domi­née par la franc-maçon­ne­rie, com­pen­sée selon les cas par des per­son­na­li­tés plus ouvertes. Les cha­pitres sur les rap­ports entre colo­ni­sa­tion et évan­gé­li­sa­tion four­nissent sur ce point de pré­cieux maté­riaux.
Pour conclure, on pour­ra rete­nir l’originalité de cette his­toire de l’Algérie fran­çaise, très détaillée et si dif­fé­rente des approches les plus cou­rantes.

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