OEcuménisme et sens de la catholicité
[note : ces propos ont été recueillis par le père Laurent Jestin en décembre 2012].
On a parfois dit, dans les secteurs les plus déviants, que l’Eglise catholique ne saurait proclamer un droit à la liberté de conscience ad extra et nier le même droit ad intra. Il semble qu’une certaine analogie puisse être tentée à propos de l’œcuménisme : vis-à-vis du monde extérieur à la catholicité, chrétien ou non, le primat de l’ouverture a conduit à beaucoup de « compréhension » et a permis d’élaborer une conception graduelle de l’unité que l’on pourrait qualifier de laxiste. Les frontières n’ont pas été repoussées mais plutôt rendues floues. Il est de bon ton aujourd’hui d’opposer l’ancien adage « hors de l’Eglise point de salut » et ce nouvel état d’esprit. Il n’est pas exclu qu’à la longue de telles conceptions, jointes à une ignorance religieuse grandissante, ait largement pénétré le corps des fidèles, soit qu’ils s’en prévalent parfois jusqu’au syncrétisme de fait (« chrétiens, juifs et musulmans, nous avons tous le même Dieu »…), soit qu’ils s’en accommodent pourvu qu’on les laisse en paix (communautarisme liturgique). Une étude plus systématique de la question permettrait de mieux cerner la nature et la portée d’une conception de l’unité dans la diversité, et de mesurer son intégration à l’un des thèmes majeurs de la culture dominante actuelle, le pluralisme.
En attendant que soit mené à bien un tel travail systématique, nous avons jugé utile d’interroger Brunero Gherardini, chanoine de la basilique Saint-Pierre de Rome, ancien titulaire de la chaire d’ecclésiologie à l’Université pontificale du Latran, expert en matière de théologies protestantes et à ces divers titres, particulièrement compétent en matière d’œcuménisme. Mgr Gherardini est également le directeur de la revue théologique Divinitas.
Catholica – Dire que l’unité de doctrine et de discipline est atteinte depuis l’époque du dernier concile est devenu un truisme. On a parlé de « protestantisation » du catholicisme à propos de la dilution des contenus de la foi. On dit souvent que cette rupture de la Tunique sans couture serait consécutive à Mai 68, mais non pas au Concile. Certes, imputer à ce dernier la responsabilité unique de la destruction qui a suivi serait tomber dans le sophisme « post hoc, ergo propter hoc » – après Vatican II, donc à cause de Vatican II. Pourtant le Credo de Paul VI a été prononcé en juin 1968 : ne serait-ce pas un anachronisme d’imputer à un mouvement ayant commencé un mois plus tôt un effondrement d’importance considérable, déjà entamé dès les premières années postconciliaires ? Pensons par exemple au cas symbolique du catéchisme hollandais, publié en 1966. Cette situation a d’ailleurs été discrètement rappelée par Benoît XVI dans son motu proprio Porta fidei, du 11 octobre 2012 (n. 5), dans lequel il est rappelé que Paul VI était alors « bien conscient des graves difficultés du temps, surtout en ce qui concerne la profession de la vraie foi et sa juste interprétation ».
Brunero Gherardini – De ce qui est arrivé après le Concile et en partie à cause de lui, il n’est pas aisé de donner une vue synthétique, ce qui d’ailleurs n’est pas indispensable, la situation se trouvant sous les yeux de tous. Il est arrivé exactement ce qui était prévisible. Du fait que le Concile a voulu (on le disait avant et on l’a répété ensuite) « se réconcilier » avec le monde, tous ses travaux et la période pas particulièrement resplendissante qui a suivi sont allés dans cette direction. Le résultat final fut un renversement : l’homme mis à la place de Dieu. S’il y eut protestantisation, ce qui n’est pas niable, elle n’a, à vrai dire, pas consisté et ne consiste toujours pas en une dissolution des contenus de la foi, mais en une prise de distance vis-à-vis de l’Eglise et de son Magistère. Dire que ce qui a ainsi lacéré la tunique sans couture du Christ – l’Eglise – est arrivé par la seule faute de Vatican II serait une exagération à laquelle on ne peut absolument pas souscrire. Il est cependant vrai que le Concile a suivi sa pente dans le sens d’un abandon du primat de la verticalité sur toute perspective horizontale. Bien qu’il n’ait pas oublié Dieu et qu’il ait réaffirmé opportunément, quand l’occasion s’en est présentée, ses droits inaliénables, ce fut toujours dans une perspective où l’homme et ses questions étaient premières. Ainsi, il a indéniablement engagé une bataille sur la liberté religieuse comme si celle-ci était le miroir de son identité propre, avec le fameux « schéma XIII » ((. Dernière version préparatoire de ce qui deviendra la Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et Spes.)) , soumettant la période postconciliaire à l’impératif de l’ouverture à la société, à la culture, au monde, mettant en œuvre avec ténacité la réforme de l’Eglise prévue et annoncée, dans le sens de sa complète modernisation. C’est dans ce contexte que deviennent compréhensibles des faits en eux-mêmes injustifiables. Le Catéchisme hollandais n’est pas un cas isolé, puisque peuvent lui être associées la contestation d’Humanae vitae, la théologie de la libération, l’Ostpolitik vaticane, ainsi que d’autres faits qui attestent d’une réelle « mise à discrétion » de l’Eglise au monde. En conséquence de quoi je considère que si 1968 a eu, certes, des répercussions négatives dans certains milieux ecclésiaux, il a tout aussi bien été le résultat d’initiatives catholiques tumultueuses et improvisées. L’un de mes amis, Paolo Deotto, a bien expliqué tout cela dans Sessantotto. Diario politicamente scorretto ((. [68. Journal politiquement incorrect] Fede & Cultura, Vérone, 2008.)) . J’ai moi-même vécu sur la brèche durant ces années et je ne peux que confirmer que dans les milieux catholiques associatifs et sociopolitiques, 1968 n’a pas seulement été un mouvement subit de la société civile en recherche de nouveauté, mais aussi l’expression de ferments ecclésiaux incontrôlés et dangereux. L’affaire du Catéchisme hollandais le montre bien, de même que beaucoup d’ouvrages théologiques, étrangers de manière criante à la méthodologie classique et aux contenus souvent en rupture avec les textes du Magistère. On en a vu également la confirmation dans ces poussées libertaires des jeunes, mais pas seulement, quand le leitmotiv hurlé de la contestation oscillait entre le « oui » d’un jour et le « il est interdit d’interdire » du lendemain ; ce qui répondait à une invitation à introduire la révolution dans l’Eglise, selon le souhait exprimé par Témoignage chrétien en 1968. Donc le Concile, en raison de son inspiration première et pour avoir célébré les épousailles entre la foi et le monde, ne peut être exonéré de toute responsabilité quant à ces ferments, mais il ne peut pas non plus en être considéré comme le premier responsable. Cela étant établi, il serait aussi injustifié que naïf de penser que la période postconciliaire fut indépendante en tout du Concile. Ce n’est pas un hasard si cette période, bien que de manière exagérée, s’en est prévalue pour promouvoir la critique, s’ouvrir aux dynamiques contestataires et destructives, concevoir les rapports Eglise-monde selon un schéma d’inspiration marxiste ; comme ce n’est pas un hasard si des théologiens qui avaient bu jusqu’à l’ivresse la coupe d’un Congar, d’un Chenu, d’un de Lubac et de nombreux autres, ne reconnaissaient de vraie théologie que dans sa version progressiste et la saluaient comme la seule digne d’intérêt.
L’œcuménisme, qui a été l’une des préoccupations les plus spécifiques du concile (textes, représentation médiatique, applications), n’a‑t-il pas eu pour effet indirect une certaine diminution de la conscience de l’unité de foi et de discipline à l’intérieur même de l’Eglise ?
Il est possible d’affirmer que l’œcuménisme a en partie concouru à « l’effilochement » de l’homogénéité ecclésiale, mais pas de son unité : celle-ci est une propriété inaliénable de l’Eglise, et il n’y a pas d’œcuménisme qui puisse en quelque mesure que ce soit l’attaquer ou simplement la déliter. Il faut ici entendre l’œcuménisme en son sens authentique, et non ce moule destructeur, toujours prêt à sacrifier la foi pour pouvoir célébrer une unité impossible, comme est impossible l’unité entre le oui et le non. L’histoire des rapports œcuméniques a malheureusement connu des moments d’une telle confusion. On s’est figuré qu’il suffisait de réciter ensemble le Pater noster pour résoudre le problème de l’unité des chrétiens. Sur cette dernière expression, j’attire l’attention du lecteur : l’œcuménisme n’est pas un coefficient d’unité, mais de réunification. L’unité ne dépend de quelque initiative humaine ou ecclésiale que ce soit, mais de telles initiatives pourraient concourir, parfois de manière efficace, à la réunification des chrétiens séparés. Mais quand l’œcuménisme se fourvoie et sacrifie les valeurs non négociables prétendant ainsi parvenir à un certain degré d’unité, se vérifie alors ce que j’ai rejeté plus haut : l’effilochement de l’homogénéité ecclésiale. Ceci explique pourquoi le chemin œcuménique est lent et pourquoi, dans le même temps, il faut se défier de toute avancée précipitée. Renouer les liens, rompus souvent depuis des siècles, à partir des valeurs relevant du champ de la révélation et non de perspectives humaines, tel est le point vers où convergent deux facteurs : d’une part, les efforts des communautés chrétiennes et, de l’autre, la grâce que Dieu ne refuse jamais à ceux qui font le bien. Quant à la « communion parfaite/imparfaite », on connaît suffisamment mon désaccord sur cette manière de s’exprimer. Tout dépend en définitive de l’exactitude de la notion d’unité, qui ne recouvre pas le simple fait d’être ensemble, ou une certaine coexistence de différences et de contraires, ni même en dernière analyse la coexistence d’éléments communs ; mais il s’agit plutôt de ce « cor unum et anima una » – un seul cœur et une seule âme – dont parlent les Actes des Apôtres (4, 32) : ne pas avoir de pensée différente, de compréhension différente, de motif différent de croire, au sein d’une communauté de grands et de petits, d’hommes et de femmes, de savants et d’ignorants. L’unité, au sens que lui donne saint Paul lorsqu’il parle de la disparition de tout motif de division, jusqu’à l’origine ethnique puisque « il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, vous êtes tous un seul être dans le Christ » (Gal 3,28). C’est dans le cadre conceptuel de l’unité entendue ainsi que l’on peut définir l’idée de communion, de « commune union », c’est-à-dire d’une participation commune aux raisons qui fondent l’unité, du respect desquelles naît la « commune union ». Une communion qui ferait abstraction de ces prémisses ou qui ferait appel à un autre fondement, est sans consistance. En définitive, la communion est ou n’est pas ; et si elle n’est pas, il s’ensuit qu’on est en présence non pas d’une simple dégradation du plus vers le moins, comme la qualification « parfaite/ imparfaite » voudrait le suggérer, mais d’une variante de l’alternative entre être et non-être. Quand il y a communion, il y a toujours une relation au sens plénier et non pas partiel ; le caractère partiel émousse la communion. Se contenter d’un simple dialogue avec l’espoir de préparer pour l’avenir la réunification des chrétiens, même si ce n’est pas en soi une erreur tragique, cela ne peut en aucun cas être l’indice d’une communion véritable. Une communion en espérance, peut-être, mais pas une réalité en acte. Il convient que jamais l’on ne se méprenne sur les contenus du dialogue et sur la réunification future. En matière de foi et de morale, un affaiblissement même léger est comme la goutte qui finit par creuser la pierre : les conséquences pourraient être désastreuses.
Où situer la frontière entre légitime différence ou pluralité des charismes (par exemple, entre les vocations spécifiques des ordres religieux, ou les différentes méthodes des écoles de théologie), et pluralisme doctrinal ?
Qu’il me soit permis de parler avec franchise : l’unité de la foi ne peut en aucune manière être associée à une diversité légitime. La foi, par l’affirmation de son unité, exclut la légitimité d’une foi différente. Cela doit s’entendre non dans un sens sociologique, où est prévue la possibilité d’un pluralisme de croyances, ce que la science des religions a l’habitude de relever et d’analyser ; mais dans le sens théologique selon lequel l’unité de la foi procède directement de l’unité même de Dieu, avec la conséquence – « à cause de la contradiction qui point ne le permet », dirait le grand poète Dante (Divine Comédie, 1, 27, 120) – qu’il ne peut y avoir unité de foi et diversité légitime : celle-ci, justement en tant que diversité, n’est jamais légitime. Je me réfère évidemment à la foi qui jaillit de la Révélation divine, tellement une en son être même qu’elle ne peut échapper à la contradiction si d’autres croyances lui sont associées : une seule autre, placée à côté d’elle et même subordonnée à elle, ne serait rien d’autre qu’une atteinte à son unité indissoluble. On pourrait déclarer que la foi est métaphysiquement étrangère à la diversité, d’où l’illégitimité de toute assertion contraire. Toutefois, il convient de distinguer diversité et diversité : le fait même de parler de « diversité illégitime » sous-entend assez clairement qu’il n’est pas absurde d’envisager une « diversité légitime ». Le « divers », s’il était inséré dans les éléments constitutifs d’une réalité donnée, engendrerait fatalement une contradiction et en tant que tel il devrait être considéré comme « illégitime ».
Par exemple, il en serait ainsi de l’insertion d’une qualité non essentielle dans la définition de l’homme : si à « animal raisonnable, composé d’une âme et d’un corps » on ajoutait soit l’omniscience soit la toute-puissance, ou tout autre élément, on ne parlerait plus de l’homme ; et poser un tel élément comme prédicat de l’homme serait radicalement « illégitime ». Ceci précisé, on doit élargir l’horizon et reconnaître que, pour la foi aussi, il peut y avoir une diversité légitime, et le reconnaître ou l’affirmer ne fait pas entrer dans un discours contradictoire. En réalité, non pas à l’intérieur de la foi, mais sur le plan des discours qui en parlent, on aperçoit un entrecroisement d’éléments différents où il n’y a ni illégitimité ni contradiction. Je fais allusion, pour être clair et ne pas laisser ouverte la possibilité du doute, à la diversité qui ne concerne pas la foi en soi, mais son exposition, sa pratique, sa formulation. Diversité plus que légitime, extrinsèque à la foi mais où tout est relatif à la foi ; en jouant sur les mots, on pourrait dire par conséquent que ce qui serait « illégitime », ce serait d’affirmer l’illégitimité de ce type de diversité. Ce qui légitime une diversité de ce genre, c’est son caractère extrinsèque par rapport à la foi : il y a diversité, non de contenu, mais d’expressions, d’explications, de formulations : je l’appellerai diversité épexégétique, c’est-à-dire explicative.
Face au climat de division hérité de l’après-concile, certains ont cherché des solutions « inclusives ». En 1996, le cardinal américain Bernardin avait essayé de lancer un Common Ground (base commune), sorte de plate-forme de dialogue qui aurait permis de mettre ensemble les catholiques de différentes « sensibilités », en leur laissant une certaine dose de pluralisme doctrinal, n’excluant que les « extrêmes ». Une même idée a pu s’exprimer à propos de ce qu’on a un temps appelé la « réforme de la réforme » en matière liturgique. Que pensez-vous de la viabilité de telles élaborations conceptuelles, qui pourraient rappeler la méthode – aux connotations hégéliennes – dite de « dépassement inclusif » des oppositions, ou encore de « diversité réconciliée » ?
J’espère vraiment que personne dans l’Eglise ne se donnera la peine de préparer des « dépassements inclusifs » d’inspiration hégélienne, en vue de « différences réconciliées » fantomatiques. Cette expression est un non-sens (et il l’est certainement pour moi, en raison de ma propension à la logique à laquelle j’ai recours toutes les fois qu’il m’est donné d’exprimer publiquement mon opinion). Or, en cette expression, je ne parviens pas à voir une connexion logique claire ; je suis même convaincu qu’elle n’existe pas. L’expression est un non-sens en soi pour celui qui revendique et qui, privé de toute référence logique, déclare une réconciliation gratuite : il réconcilie, en effet, non pas ce qui est différent, qu’on n’unifie jamais, mais ce qui est en opposition ou en contradiction. Sans oublier bien évidemment que tout ce qui est différent n’est pas opposé ou contradictoire. Je ne sais pas si le Pape cherche des « solutions inclusives » et ce n’est pas ainsi que je vois le motu proprio Summorum Pontificum, comme si le Pape avait voulu ménager la chèvre et le chou, ou contenter un peu tout le monde. En fait, il a déclaré que le rite traditionnel n’avait jamais été abrogé et n’est aucunement entré dans une perspective discutable de « différences réconciliées ». Il n’y a ni réconciliation, ni surtout différence : simplement, le rite romain ancien peut coexister avec d’autres rites, comme cela a toujours été le cas, sans qu’il y ait là concurrence. Si ces autres rites entraient en concurrence avec lui, ils perdraient leur légitimité. Quant à la « réforme de la réforme », je peux dire que j’y ai cru et l’ai espérée, même si je dois constater et admettre qu’il n’y a pas eu de grandes avancées. L’expression se référait à la nécessité de « réformer » la réforme liturgique insensée issue de Vatican II et imposée par le « postconcile ». Il y a eu une période durant laquelle le Secrétaire de la Congrégation pour le Culte divin et les Sacrements, avec qui je m’étais entretenu, se déclarait décidé et prêt à mettre en œuvre cette « réforme de la réforme ». Malheureusement, quelques mois après, d’autres responsabilités ont été confiées à ce Secrétaire et rien ne se fit. Joseph Ratzinger lui-même, au moins comme cardinal, mais je ne suis pas sûr que comme Pape il ait changé d’avis, s’est plusieurs fois intéressé à un tel chantier. Espérons que, tôt ou tard, cet intérêt devienne réalité. Il convient de souligner en outre, me semble-t-il, que Summorum Pontificum doit être envisagé dans l’optique, chère à Benoît XVI, de « l’herméneutique de la continuité », caractéristique commune à tout le pontificat actuel. Ce serait une grave erreur de voir dans ce motu proprio une nostalgie du passé et une concession aux nostalgiques du rite ancien. Pour qui a attentivement analysé Summorum Pontificum, il est aisé non seulement de constater, mais encore d’apprécier combien il s’insère d’une manière adéquate dans une vision unitaire de la liturgie catholique.
Dans votre livre Il Vaticano II. Alle radici d’un equivoco ((. Lindau, Milan, mai 2012, 412 p.)) , vous affirmez que la mauvaise direction prise par le « dialogue » trouve ses racines dans une conception démocratique de l’Eglise. En conséquence, vous proposez de revenir à un respect plus strict de la constitution hiérarchique de l’Eglise, d’institution divine, à la pratique d’un Magistère clair, au réveil de la théologie, etc. Comment pourrait se concrétiser ce retour aux sources dans la perspective d’une annonce de la foi à nos contemporains qui se trouvent oppressés par la culture dominante occidentale, égalitaire et dogmatiquement opposée à la vérité ?
Aller « aux sources » est un appel que vous, Français, connaissez bien et que vous avez eu le bon sens et même l’honneur de répandre dans tout l’univers catholique. Cet appel a mis en pratique une recherche qui aujourd’hui n’est pas encore achevée : il y n’a pas de théologien ou d’historien catholique qui, dans l’accomplissement de sa charge, puisse se dérober devant la nécessité de travailler sur les « sources ». Il y a, et personne ne peut en douter, des « sources » à redécouvrir, y compris dans la vie chrétienne ordinaire, en vue d’une authenticité plus ferme de la foi et de la pratique qui en découle. Il est clair comme de l’eau de roche que la foi ne supporte pas, en raison de ce qu’elle est, des mélanges et des falsifications destructrices, comme celles qui dominent dans la culture contemporaine. Si celles-ci ne sont pas dénoncées clairement et corrigées, si on les accepte ou pire si elles s’introduisent dans la vie chrétienne, on finit par faire du christianisme un pot-pourri dans lequel tout et le contraire de tout pourraient être déclarés légitimes. Tel a été le motif qui a présidé à l’ouvrage que vous rappelez. Il est épuisé depuis quelque temps. J’ai le projet, si le Seigneur me conserve encore quelques forces, de pourvoir à une réédition. Le fait qu’il ait trouvé un large accueil en si peu de temps me confirme dans la conviction que l’urgence du moment est au retour à un respect plus rigoureux de la constitution hiérarchique de l’Eglise, à des interventions magistérielles diligentes et claires ainsi qu’à leur écoute fidèle, au réveil de la vraie théologie et spécialement de celle qui se place dans le sillon du Docteur Angélique. Alors, retentira l’appel « aux sources », soit pour éviter le malheur de mélanges impossibles entre l’esprit du monde, la culture contemporaine et la doctrine de la foi, soit pour une profession privée ou publique toujours plus claire de notre sainte foi.