Un nouveau Statut très décevant
Le nouveau Statut de l’Enseignement catholique ne constitue pas selon nous un progrès par rapport au précédent (1992). Disparate, technocratique, long, mal structuré, riche en contradictions internes, exempt des nécessaires définitions, ce texte ne plaide pas en faveur de la crédibilité de l’Enseignement catholique. Sur le fond, il n’affirme pas avec la netteté requise les principes fondamentaux que l’Eglise doit défendre dans la société en matière d’éducation ; il ne répond que très imparfaitement aux défis qui se posent actuellement aux établissements se voulant catholiques ; enfin, il fait preuve d’un faible intérêt pour la dimension académique de l’école.
Ce statut aurait gagné à préciser les principes sur lesquels l’Eglise invite à instaurer un ordre éducatif juste. Aurait dû être rappelé le droit de cette dernière à fonder et diriger des écoles de sa propre autorité (Code de droit canonique, can. 800 § 1). Au contraire, le texte limite sans état d’âme l’intervention de l’Eglise à l’espace que lui concède l’Etat. L’avertissement liminaire est explicite : « Ces dispositions ne sauraient modifier ou remplacer celles résultant des lois et règlements applicables aux établissements d’enseignement privés aux plans civil, académique, social ou autres. » Cela ne vaut-il pas reconnaissance de la suprématie du droit positif sur le droit de l’Eglise et plus largement sur le droit naturel que l’Eglise défend ? Qui chercherait appui dans le statut pour refuser d’enseigner le gender par exemple serait déçu, dès lors qu’une loi régulièrement adoptée y oblige.
Le droit qu’a tout enfant d’accéder à une éducation catholique n’est pas affirmé, pas plus que le devoir des parents de lui en donner une. Le devoir de l’Eglise est rappelé mais de manière limitée et ambiguë dans le chapitre intitulé « La contribution éducative de l’Eglise ». Si le texte indique bien que l’Eglise a pour mission de « faire connaître la Bonne Nouvelle » (art. 8), c’est pour souligner de manière désuète et floue qu’il s’agit de « manifester sa solidarité avec le genre humain » ainsi que sa volonté d’apporter une contribution originale et spécifique à la construction de la cité et au renouvellement de la société humaine « dans un esprit de dialogue et de coopération ». Le terme de « contribution » manifeste à lui seul que l’Eglise pense son intervention comme une parmi d’autres.
A contrario les rédacteurs du statut manifestent un besoin insistant de reconnaissance étatique du rôle de l’école publique dont ils mettent en avant le « caractère public » (art. 12) et le « service d’intérêt général » qu’elle rend à la société. L’école catholique a besoin de l’Etat pour recevoir de lui un cadre légal, non sa légitimité, laquelle est en Dieu. Alors que les ministres les plus laïcistes confient leurs enfants à des écoles catholiques, que les listes d’attente s’allongent, la preuve n’est-elle pas faite de la reconnaissance universelle de son rôle d’intérêt général ! En se prévalant d’être « associée au service public d’éducation », le statut semble revendiquer le droit de l’école catholique à être traitée comme un pur délégataire de service public lié par le respect d’un cahier des charges qui, par définition, lui est imposé unilatéralement par l’Etat. Pourquoi affirmer être associée au service public d’éducation alors que la loi Debré ne parle que d’association à l’Etat ?
Parmi les principes fondamentaux omis on note, à côté de l’affirmation de la nécessité de la liberté scolaire pour tous, du libre choix de l’école par les parents, de l’obligation qu’a l’Etat de garantir ce libre choix y compris financièrement, l’absence dans le statut de la moindre remarque sur l’illégitimité de la discrimination financière que subissent aujourd’hui les familles choisissant une école non étatique. Une simple reprise du Code de droit canonique (can. 797) aurait pourtant suffi : « Il faut que les parents jouissent d’une véritable liberté dans le choix des écoles ; c’est pourquoi les fidèles doivent veiller à ce que la société civile reconnaisse cette liberté aux parents et, en observant la justice distributive, la garantisse même par des subsides. » De même, le statut aurait dû affirmer le droit des établissements de développer leurs propres curriculum et diplômes librement, dénonçant ipso facto le monopole de la collation des grades qui anémie l’école libre depuis Napoléon.
Alors que le statut de 1992 rappelait dès l’article 2 la valeur constitutionnelle de la liberté d’enseignement, il faut attendre l’article 133 dans le présent statut. Et encore la constitutionnalité de la liberté d’enseignement n’y est pas mise en avant comme un droit fondamental mais simplement comme le cadre d’existence de l’établissement. De même le droit au libre choix de l’école par tout parent est réduit au droit des parents à choisir entre les écoles catholiques.
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