Revue de réflexion politique et religieuse.

Jean Mon­ne­ret : Camus et le ter­ro­risme

Article publié le 11 Mai 2014 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

La trame de cet ouvrage est une longue enquête sur les motifs pour les­quels Camus s’est refu­sé à entrer dans le jeu des por­teurs de valises, au prix de sa condam­na­tion à un ostra­cisme tenace. Ils sont très simples : le refus de la morale téléo­lo­gique, qui pré­tend jus­ti­fier l’acte par la fin pour­sui­vie, la ter­reur en l’occurrence exer­cée sciem­ment sur des inno­cents, résul­tant d’un choix idéo­lo­gique et d’une volon­té de domi­na­tion. Camus est l’anti-Sartre, ce Sartre qui, dans sa pré­face aux Dam­nés de la terre de Frantz Fanon, non seule­ment jus­ti­fiait, mais appe­lait les gens du FLN à tuer les Euro­péens d’Algérie, comme tels (« Abattre un Euro­péen, c’est faire d’une pierre deux coups : sup­pri­mer en même temps un oppres­seur et un oppri­mé : res­tent un homme mort et un homme libre »). J. Mon­ne­ret, patiem­ment, fait res­sor­tir l’ignominie du pro­cé­dé, tel­le­ment bana­li­sé par le com­mu­nisme au XXe siècle, récu­pé­ré aus­si par les démo­cra­ties avec leurs sinistres bom­bar­de­ments de ter­reur, et qui trouve un nou­vel élan actuel dans la revi­vis­cence de l’islam. Résis­tance armée et ter­ro­risme sont dis­tincts : sup­po­sant qu’elle soit jus­ti­fiée dans un cas consi­dé­ré, une telle lutte devra néan­moins res­pec­ter le jus in bel­lo qui inter­dit d’utiliser le meurtre de l’innocent comme moyen d’intimidation ou de rétor­sion. Mais plus la cause est idéo­lo­gique, plus la ter­reur est employée comme moyen, non seule­ment pour impres­sion­ner l’ennemi, mais sur­tout pour sou­mettre le pré­ten­du ami. Ce que Camus ne pou­vait non plus admettre, c’était éga­le­ment la mau­vaise foi des pré­ten­dues bonnes consciences, dont le chœur repre­nait indé­fi­ni­ment l’apostrophe de Bar­nave : « Leur sang était-il donc si pur ? ». J. Mon­ne­ret en donne un cer­tain nombre d’exemples, notant au pas­sage que le vice de la légi­ti­ma­tion idéo­lo­gique du pire condui­sait et conduit encore à l’autodestruction nihi­liste. Cer­tains cha­pitres trop oubliés de L’homme révol­té situent l’origine du mal dans l’esprit révo­lu­tion­naire inhé­rent à la phi­lo­so­phie moderne, et son anti­théisme pré­ten­dant maî­tri­ser l’histoire et conduire au para­dis sur Terre, mais s’achevant tou­jours dans la pire des oppres­sions : « Tout ce qui était à Dieu sera désor­mais ren­du à César ». Le com­bat contre le ter­ro­risme, désor­mais mon­dia­li­sé – très lar­ge­ment sur les mêmes bases que le FLN en son temps, qui joi­gnait ins­pi­ra­tion sala­fiste et méthodes com­mu­nistes –, exige bien plus que du maté­riel de guerre et des sol­dats : il lui faut avant tout des armes spi­ri­tuelles. Telle est l’affirmation conclu­sive de J. Mon­ne­ret, la plus inquié­tante assu­ré­ment car dans ce domaine grande est la fai­blesse.

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