Louis Veuillot : Voyages et lectures
Ce recueil a été édité en hommage au grand polémiste catholique (1813–1883), à l’occasion du bicentenaire de sa naissance. Un polémiste qui fut aussi un grand voyageur au regard très avisé. Un bon chapitre sur « l’Algérie et Bugeaud » permet de vérifier que l’armée déployée sur le territoire en même temps que Louis-Philippe installait en métropole le règne maçonnique n’était pas toujours propre à gagner les coeurs par l’exemple d’une vie intègre. « J’ai acquis en vingt occasions […] la conviction que les Arabes nous méprisent et nous haïssent moins comme chrétiens que comme impies. J’ai trouvé dans [un] jeune coulougli (fils de Turc et de Mauresque) une âme excellente, un sens droit, une pensée naturellement religieuse, et une prédisposition à recevoir la vérité que j’ai bien rarement rencontrée à Paris parmi les Scholars. L’islam n’étant qu’une hérésie chrétienne, il y a beaucoup de points de contact… » (pp. 72–73). Sur un registre proche, Veuillot fut l’ami critique du maréchal Bugeaud. Parlant de ce dernier, « “Il faut, disait-il, que nous fassions une France nouvelle, par l’épée et par la charrue”. J’osais lui répondre qu’il oubliait une chose, et la plus importante, la Croix ; que l’épée et la charrue, sans la Croix, n’auraient pas fait l’ancienne France » (p. 80).
Louis Veuillot est considéré (Emile Poulat) comme le premier vrai journaliste catholique, bien plus que Lamennais. Reprenant l’Univers avec son frère Eugène, il en fait un organe de combat dirigé à la fois contre le libéralisme et le gallicanisme. C’est l’aspect le plus rebattu. La sélection de textes effectuée par B. Le Roux permet de connaître des fragments de vie plus anecdotiques mais néanmoins riches d’informations.
L’activité de Veuillot l’amène à des rencontres avec bien des personnages de l’histoire européenne, célèbres ou plus humbles, politiques, littéraires, religieux. Entre autres, Guizot (dont il fut membre du cabinet), Franz Liszt, Dom Guéranger, et le pape Pie IX bien sûr. Une suite d’entretiens avec Metternich, exilé en Belgique et près de quitter ce monde, en 1849 (pp. 99–103), révèle la sagacité du ministre autrichien disgrâcié après les révolutions de 1830. Répondant à Veuillot qui s’inquiète de l’avenir de l’Allemagne : « Il y a deux monstres qui menacent l’Allemagne […] l’un est le Teutonisme, l’autre le Prussianisme. […] Il y a en Allemagne des éléments révolutionnaires qui n’ont pas encore servi et qui sont redoutables, l’élément juif par exemple ; il est, je crois, inoffensif chez vous ? » Veuillot répond : « Il est inconnu ». « — En Allemagne, c’est tout différent. Les juifs occupent presque le premier rôle et sont des révolutionnaires de première volée […] Ils auront un jour redoutable pour l’Allemagne, probablement suivi d’un lendemain redoutable pour eux. » (p. 103) Rome, qui a été le lieu de sa conversion, reste privilégiée, notamment dans la période où, fâché avec l’Empire libéral à cause de la politique extérieure de Napoléon III, il est interdit d’exercice de journalisme. Il y est à nouveau au moment de la préparation du concile du Vatican, fort active en ce qui le concerne. En décembre 1869, Veuillot écrit à son frère qu’il lui reste « deux ou trois cents visites à faire ».
Le seconde partie de ce recueil, consacrée aux lectures du polémiste, permet de compléter quelque peu la connaissance d’un homme ouvert, doté d’humour, très éloigné de l’image qu’ont voulu en donner les anticléricaux, naïf parfois, mais constant et combatif. De substantiels « repères biographiques » et trois index complètent ce volume plein d’attraits.