Revue de réflexion politique et religieuse.

Ber­nard Pey­rous : Connaître et aimer son pays. Une réflexion chré­tienne sur les nations

Article publié le 18 Nov 2014 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Prêtre et his­to­rien, Ber­nard Pey­rous déclare aimer la France. Il a beau­coup voya­gé, effec­tué de fré­quents et par­fois longs séjours à l’étranger, consi­dère cer­tains autres pays avec une grande et pro­fonde ami­tié, mais sa pré­di­lec­tion va au sien. Conscient de par­ler à contre-cou­rant de l’autoflagellation impo­sée, il reprend dans ce livre diverses confé­rences, ras­sem­blées en trois par­ties : un essai de théo­lo­gie des nations, l’approche his­to­rique des rela­tions entre nations et foi chré­tienne, enfin des « regards sur la France ». L’ouvrage est argu­men­té, fait réfé­rence à de nom­breuses sources, et porte des juge­ments qu’il est bien dif­fi­cile d’écarter d’un revers, même s’ils ne sont pas tou­jours très déve­lop­pés, ou si cer­taines omis­sions peuvent éton­ner étant don­né la gra­vi­té de leurs consé­quences (le Ral­lie­ment, la guerre d’Algérie et son issue – qui n’apparaît que dans une courte phrase à côté d’une allu­sion à la guerre d’Indochine). On appré­cie le ton direct de l’ensemble, un don pour la syn­thèse, comme par exemple à pro­pos de la Révo­lu­tion. En revanche, bien que l’auteur soit très lucide sur les réa­li­tés du pré­sent (qui vient conclure pro­vi­soi­re­ment le XXe siècle, ce « grand siècle du sang »), il laisse quelques ques­tions de fond en sus­pens, ce qu’illustre par exemple une for­mule comme celle-ci : « La notion de per­sonne, la démo­cra­tie qui en est issue, tout cela est actuel­le­ment mena­cé. » (p. 239)
B. Pey­rous sur­saute devant les décla­ra­tions d’un « ministre de l’Identité natio­nale »(Eric Bes­son) qui a l’effronterie de nier cette iden­ti­té : « La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un ter­ri­toire, ni une reli­gion, c’est un conglo­mé­rat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Fran­çais de souche, iln’y a qu’une France du métis­sage. » Com­men­taire : « On remar­que­ra que, non seule­ment l’Etat s’arroge dans ce cas le pou­voir de dire ce qu’est ou pas la nation, mais aus­si que le ministre qui repré­sente cet Etat tient des pro­pos qui tendent à la dis­so­lu­tion de la nation. Si la nation est dis­soute, il ne reste que l’Etat qui devient, selon d’autres pro­pos du même ministre, une fabrique de « bons Fran­çais ». Mais alors qu’est-ce qu’être fran­çais ? » (p. 54) Mais quoique pous­sé à l’extrême, le nomi­na­lisme sub­ver­sif de l’ancien ministre n’est-il pas l’application logique de la phi­lo­so­phie démo­cra­tique, cette nation contrac­tuelle que Renan défi­nis­sait, dans une for­mule certes ambi­guë, comme un « plé­bis­cite de tous les jours » ?Autre thème sus­cep­tible d’ouvrir la dis­cus­sion : celui du cha­pitre inti­tu­lé « Une nation a‑t-elle une voca­tion ? » Le domi­ni­cain B.-D. de La Sou­geole, cité par l’auteur, répond néga­ti­ve­ment, mais il semble confondre voca­tion et mes­sia­ni­té, ce qui lui fait dire que depuis la dis­pa­ri­tion de l’ancien Israël aucune nation n’a de voca­tion, sinon « d’un autre ordre ». Les der­nières pages portent sur le ter­ro­risme intel­lec­tuel et sur sa contes­ta­tion, qui s’étend à de très nom­breux aspects, mon­trant qu’il existe deux socié­tés paral­lèles, l’une qui pos­sède le pou­voir sym­bo­lique dans le champ clos de l’espace public, à l’abri de l’appareil éta­tique ; l’autre dans la réa­li­té. La grande ques­tion est de savoir com­ment il sera pos­sible de se libé­rer de ce para­si­tisme. L’auteur conclut sur l’importance de la volon­té : « Le monde peut chan­ger en bien. Il n’y a pas de rai­sons qu’il ne change pas. Mais si j’ose dire : finie la vie bour­geoise » !

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