Gilles Routhier : Cinquante ans après Vatican II. Que reste-t-il à mettre en œuvre ?
Prêtre, théologien de l’Université Laval (Québec), intervenant aisément en France (ICP), l’auteur appartient à une génération postconciliaire, plus apaisée et ouverte que la précédente. Il entend notamment ne pas « se fixer avec trop de raideur sur l’enseignement conciliaire » (p. 76), trop conscient du fait que les conditions ont changé fortement, surtout, et il y est très attentif, du côté de ses étudiants, qui ne comprennent plus le sectarisme idéologique du passé. La question du changement de génération le « taraude », dit-il, depuis quelques années, impliquant indifférence et manque de connaissance de ce qui s’est passé il y a cinquante ans. Seules deux minorités, inégales, s’y intéressent encore : les « libéraux », en petit nombre, les « intransigeants », plus nombreux, la masse étant ailleurs, en partie du côté de ceux qui ont maintenu ou retrouvé les pratiques traditionnelles. Et Vatican II dans tout cela ? Les chapitres sur la « pastoralité » et la « recherche du consensus » sous la conduite de Paul VI suggèrent la nature composite et circonstancielle de l’événement, appelé à terme à passer.
G. Routhier s’intéresse d’autre part à la question de l’interprétation, qu’il rattache, avec originalité et conviction, aux différentes phases de l’opposition de Mgr Lefebvre et à ses conséquences. Il insiste sur ce point se référant à Pierre Bourdieu : « […] il y a toujours, dans un champ donné, une lutte entre plusieurs acteurs appartenant à différents champs, acteurs qui collaborent entre eux bien qu’également en concurrence » (p. 187). On comprend donc l’intérêt que porte G. Routhier à des arguments ou des épisodes historiques que la plupart délaissent avec un mépris non dissimulé, entre autres l’activité du Coetus internationalis Patrum constitué par plusieurs évêques, dont Mgr Lefebvre, pendant le concile (l’un de ses étudiants prépare d’ailleurs une thèse sur le sujet). L’opposition a finalement donné le la de l’interprétation. Le souci de l’auteur, qui traverse implicitement le livre, est clarifié à la fin. Il est de rappeler que les acteurs moteurs du Concile ont eu le désir de trouver un moyen de désenclaver l’Eglise affrontée à un monde lui devenant étranger. Avec réalisme il prend acte du fait que le moment conciliaire est dépassé, et il cherche à en conserver « le souci de s’adresser aux autres », craignant que la « nouvelle évangélisation » ne provoque un retour à l’esprit de « forteresse ». On retiendra surtout l’un des mots d’ordre qui conclut ce livre : « Revenir […] à la position des problèmes par-delà les conclusions » des textes conciliaires. On ne peut que souscrire à cette invitation à réévaluer, dans un véritable débat ouvert, la légitimité épistémologique de cette approche aux résultats en voie de péremption.