Revue de réflexion politique et religieuse.

Fran­cis­cains de l’Im­ma­cu­lée : un échec pré­vi­sible

Article publié le 7 Jan 2015 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

[note : ce texte est paru dans le numé­ro 126 de catho­li­ca (hiver 2015]

Le pape Ber­go­glio affec­tionne les entre­tiens peu pro­to­co­laires accor­dés à la presse. Der­niè­re­ment (7 décembre 2014) il s’est confié à la jour­na­liste argen­tine Eli­sa­bet­ta Piqué, le texte étant publié le len­de­main dans le quo­ti­dien La Nación, de Bue­nos Aires. Par­mi les sujets abor­dés, celui des « divor­cés rema­riés ». « Ils ne sont pas excom­mu­niés, c’est vrai. Mais ils ne peuvent pas être par­rains de bap­tême, ils ne peuvent pas faire la lec­ture à la messe, ils ne peuvent pas don­ner la com­mu­nion, ils ne peuvent pas faire le caté­chisme, ils ne peuvent… il y a comme ça sept choses, j’ai la liste ici, mais assez ! Si je compte tout, ils sem­ble­raient bien excom­mu­niés de fac­to ! Alors il faut ouvrir un peu plus les portes. Pour­quoi ne peuvent-ils pas être par­rains ? « Non, mais rends-toi compte, quel témoi­gnage ils vont don­ner au filleul !» Pre­nons le cas d’un homme ou d’une femme qui lui disent : « Ecoute, mon ché­ri, je me suis trom­pé, j’ai déra­pé sur ce point, mais je crois que le Sei­gneur m’aime, je veux ser­vir Dieu, le péché ne m’a pas vain­cu, je vais de l’avant ». Est-ce qu’il y a un témoi­gnage plus chré­tien que celui-là ? Ou si arrive un de ces escrocs de poli­ti­ciens que nous avons, des cor­rom­pus, pour être par­rain, et qui est bien marié à l’église, vous l’acceptez ? Et quel témoi­gnage don­ne­ra-t-il au petit filleul ? Un témoi­gnage de cor­rup­tion ? Alors, nous devons chan­ger un peu les choses dans la manière de juger. »
La com­pré­hen­sion la plus large trans­pire du pro­pos, se fon­dant sur une intui­tion pri­vi­lé­giant une forme de bon sens pla­cé au-des­sus de la loi, fût-elle celle du Christ. Ain­si se défi­nit l’image com­pas­sion­nelle que les grands médias se plaisent à saluer et répandre, non sans fon­de­ment objec­tif.
Pour des rai­sons obs­cures, au moins à pre­mière vue, la com­pas­sion s’applique tou­te­fois inéga­le­ment. Le cas des Frères fran­cis­cains de l’Immaculée (FFI) en donne cer­tai­ne­ment la plus cho­quante illus­tra­tion. Mal­gré le silence qui leur est impo­sé et qu’ils acceptent de res­pec­ter, et peut-être même à cause de cela, leur situa­tion est désor­mais connue de par le monde et crée une gêne.
La nou­velle la plus récente à leur sujet a été annon­cée par le jour­na­liste Mar­co Tosat­ti, dans le quo­ti­dien turi­nois La Stam­pa du 20 novembre 2014 ((. Repro­duit sur http://www.lastampa.it/2014/11/20/blogs/san-pietro-e-dintorni/ffi-la-cei-scriveai-vescovi-0epwWCOl8ttfO0K9XjaktK/pagina.html. )) . Elle a agi­té le milieu ecclé­sias­tique ita­lien, sur­tout romain, avant d’être réper­cu­tée sur divers sites. Le père Vol­pi, ofm cap., com­mis­saire apos­to­lique en charge de la rec­ti­fi­ca­tion des FFI, pré­sent à l’assemblée plé­nière de la Confé­rence épis­co­pale ita­lienne (CEI) mi-novembre, a aver­ti les évêques qui seraient « ten­tés » d’accueillir dans leur dio­cèse des prêtres de la congré­ga­tion dési­reux de quit­ter leur ordre. Le nou­veau secré­taire géné­ral de la CEI, Mgr Galan­ti­no, a appuyé cette démarche d’une lettre à ses confrères leur « rap­pe­lant » l’obligation cano­nique de devoir contac­ter le com­mis­saire préa­la­ble­ment à l’examen de la demande d’incardination venant de prêtres FFI. Il semble que grande soit la crainte de voir se mul­ti­plier de tels départs et plus encore l’acceptation de divers évêques de cou­vrir des reli­gieux dont il appa­raît clai­re­ment qu’ils sont injus­te­ment trai­tés, sans qu’aucun grief n’ait jamais été for­mu­lé clai­re­ment, ni cano­ni­que­ment, à leur encontre.
Un site ouvert depuis juin 2014 ((. Cf. http://veritacommissariamentoffi.wordpress.com/2014/11/17/senza-istituzione-non-ce-carisma/. )) , dont le ou les res­pon­sables ne sont pas iden­ti­fiés, a encore accen­tué le mes­sage, peu après la tenue de l’assemblée de la CEI, dans des termes qui retiennent l’attention.
« Un groupe (25+25) prêtres et anciens étu­diants » des FFI a pris contact avec cer­tains évêques dio­cé­sains pour qu’ils les accueillent. « Cette demande a sus­ci­té réserves et per­plexi­té de la part des pas­teurs des Eglises locales parce qu’elle s’est avé­rée non conforme au désir natu­rel de trans­for­mer une voca­tion [reli­gieuse] indi­vi­duelle en celle de prêtre dio­cé­sain, étant un stra­ta­gème pour se sous­traire à l’autorité de la Congré­ga­tion pour les Ins­ti­tuts de vie consa­crée et à celle du Com­mis­saire apos­to­lique en pleine phase de véri­fi­ca­tion cano­nique, doc­tri­nale, dis­ci­pli­naire et finan­cière. Le but final des demandes d’incardination dio­cé­saine appa­raît clair : c’est la consti­tu­tion d’une plate-forme de lan­ce­ment, si pos­sible off-shore, comme celle de l’archidiocèse de Lipa aux Phi­lip­pines, ou dans un dio­cèse de mino­ri­té catho­lique, comme en Angle­terre, en vue de regrou­per des clercs ordon­nés in sacris et d’ex-séminaristes FFI dans l’attente d’un chan­ge­ment de cap dans l’actuel gou­ver­ne­ment de l’Eglise uni­ver­selle qui n’existe que dans les mirages men­taux aux­quels n’échappent pas des polé­mistes tels qu’Antonio Soc­ci », etc. Le ton polé­mique et mena­çant n’hésite pas à incri­mi­ner ceux des ecclé­sias­tiques qui pour­raient avoir la « fai­blesse » de venir en aide aux reli­gieux concer­nés, d’imiter, par exemple, la « com­pli­ci­té du for­te­ment dis­cu­té car­di­nal Franc Rodé » qui avait accep­té de por­ter une requête au pape Fran­çois pour que les reli­gieux dési­reux de célé­brer selon l’ancien Ordo puissent rele­ver de la Com­mis­sion Eccle­sia Dei.
Il est remar­quable que ce site ano­nyme soit à la fois éton­nam­ment bien infor­mé et d’une vio­lence de lan­gage non dis­si­mu­lée, diri­gée prin­ci­pa­le­ment contre tous ceux qui sont ame­nés à mani­fes­ter ne serait-ce que leur éton­ne­ment devant les pro­cé­dés dont sont vic­times des reli­gieux dont l’image prin­ci­pale est la stricte obser­vance de la voca­tion fran­cis­caine. Pour­quoi cette hargne, alors même que le nombre des reli­gieux en cause est res­treint, et les espé­rances qui leur sont prê­tées pure­ment ima­gi­naires ? On peut émettre l’hypothèse qu’elle puisse tra­duire un cer­tain dépit devant la mul­ti­pli­ca­tion des réac­tions de répro­ba­tion face à la somme d’irrégularités com­mises, et un trai­te­ment en forme de deux poids, deux mesures. Com­pa­ra­ti­ve­ment, en effet, l’action répres­sive à l’encontre des FFI – dont les fautes sup­po­sées n’ont jamais été pré­ci­sées autre­ment que par voie d’insinuations vagues –, d’une part, et de l’autre, l’assainissement de la situa­tion des Légion­naires du Christ, pour prendre un cas pour le moins for­te­ment dif­fé­rent, ne se res­semblent nul­le­ment. Cette der­nière socié­té, fon­dée par un impos­teur scan­da­leux, est trai­tée avec beau­coup de len­teur, selon des pro­cé­dures cano­niques régu­lières et avec de grandes pré­cau­tions afin d’éviter de por­ter atteinte à d’authentiques voca­tions.
Il est pro­bable qu’avec le temps, la rage des­truc­trice exer­cée contre des reli­gieux à qui l’on reproche avant tout leur état d’esprit « trop » tra­di­tion­nel (deve­nu pour les besoins de la cause « cryp­to-lefeb­vriste » sinon ultra­ca­tho­lique!) n’ayant pas réus­si à atteindre l’objectif recher­ché puisse bien pro­duire un effet inverse de celui que pour­suivent ceux qu’elle anime.

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