Alain de Benoist : Le Traité transatlantique et autres menaces
Avec la négociation du traité par lequel les pays de l’Union européenne et les Etats-Unis (et dépendances) fusionneraient leurs marchés en une immense zone de libre échange, nous sommes au cœur du fonctionnement des pouvoirs réels qui s’exercent sous l’égide de la complexité et de la transparence. La « construction européenne » ne sera bientôt plus à considérer que comme un modeste tremplin vers l’intégration à l’économie américaine, si le projet arrive à son terme, avec les innombrables conséquences qui en résulteront. On vérifie l’analyse d’Augusto Del Noce, pour qui ce qui allait être appelé le mondialisme marquait le triomphe des idées « bourgeoises à l’état pur », dégagées de tout reste d’attache religieuse, patriotique, voire utopique et révolutionnaire. On comprend aussi du fait même la raison pour laquelle il est nécessaire de faciliter l’opération en encourageant tout ce qui peut déstabiliser les facteurs de résistance au changement, en tous domaines. Alain de Benoist cite très opportunément Jean Baudrillard, pour faire saisir la raison de la rage avec laquelle l’opération est menée : pour le système mondial, « toute forme réfractaire est virtuellement terroriste ». La barbarie n’est pas que du côté de Daesh. Un chapitre central est dédié à la « gouvernance », qui est effectivement le cœur actif, en même temps que la couverture sémantique du nouveau système de pouvoir. On doit comprendre que les mots ont encore une importance, ce qui présuppose que les sociétés auxquelles ont affaire les acteurs de ce jeu bien trouble doivent à leurs yeux avoir conservé une certaine faculté de vigilance. Alain de Benoist s’inspire ici notamment des analyses de Guy Hermet, et montre comment s’est opéré, à couvert de ce terme emprunté à la culture managériale anglo-saxonne, un transfert des modalités juridiques et politiques classiques à l’imposition de normes définies par les organes dirigeants des grands acteurs économiques et financiers de la planète, complétées par les jeux d’influence et autres pressions au nom de l’expertise. Ce livre, composé sous forme de synthèses successives, constitue un vaste et impressionnant état de la question, tenant compte d’un nombre important d’études et de documents. Le chapitre sur la mondialisation va au-delà, donnant, quoique brièvement, une critique du réformisme caractéristique de l’altermondialisme. Sur ce point, A. de Benoist énonce une vérité – l’histoire ne revient jamais en arrière – mais ne précise pas les conséquences qu’il en tire. Le dernier chapitre et l’annexe finale développent, le premier, des idées plus personnelles sur l’Europe comme empire, le second, une conférence sur la « rébellion », heureux appel au réveil, non assorti cependant de réponses proportionnées. Une courte formule affirme la nécessité d’en revenir à une conception réellement subsidiaire – « l’autosuffisance alimentaire et énergétique ». Il faudrait évidemment aller bien plus loin, non certes dans la proposition d’un programme dont certains sont friands, du moins dans l’énoncé de véritables principes.