Revue de réflexion politique et religieuse.

Numé­ro 137 : Face au nihi­lisme

Article publié le 12 Oct 2017 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le psaume 126 célèbre la fin de la cap­ti­vi­té à Baby­lone. Il s’achève ain­si : « Ceux qui sèment dans les larmes, mois­son­ne­ront dans l’al­lé­gresse. Ils vont, ils vont en pleu­rant, por­tant et jetant la semence ; ils revien­dront avec des cris de joie, por­tant les gerbes de leur mois­son. » La grande pro­phé­tie moderne, for­mu­lée à l’époque des Lumières, lorsque Kant annon­çait l’arrivée de l’humanité à l’âge adulte et Hegel l’épiphanie uni­ver­selle de la liber­té, se réa­lise main­te­nant en sens rigou­reu­se­ment inverse : elle a com­men­cé en chan­tant l’avenir radieux, elle finit aujourd’hui dans les angoisses et à cer­tains égards dans la folie. Même si l’appareil poli­tique, éco­no­mique, tech­nique, cultu­rel de la moder­ni­té dans sa phase tar­dive s’autocélèbre en per­ma­nence, il faut être aveugle volon­taire pour ne pas voir que le pro­gramme annon­cé ne s’accomplit pas sans dégâts tout autres que col­la­té­raux. De cela, tout le monde a en fait une conscience au moins dif­fuse, mais celle-ci est étouf­fée ou contre­ba­lan­cée par la ges­tion col­lec­tive des pré­oc­cu­pa­tions à court terme et l’automatisme de la fuite en avant.

Une esthé­tique nou­velle est éla­bo­rée et dif­fu­sée par le sys­tème des médias, enten­du au sens le plus large, ten­dant à relan­cer per­pé­tuel­le­ment cette fuite en avant. Elle opère à tra­vers la publi­ci­té, les cir­cuits de pro­duc­tion lit­té­raire, le ciné­ma, la mode, la musique popu­laire, le simple mimé­tisme social. Sont ain­si bana­li­sés, voire don­nés en exemple à satié­té la gros­siè­re­té de lan­gage, la por­no­gra­phie, la drogue, les tatouages, toutes les formes de déviance, les cultes sata­niques, les vies fami­liales désaxées, le sui­cide comme acte de suprême liber­té… L’activité déployée sous la déno­mi­na­tion abu­sive d’« Art contem­po­rain » est par­ti­cu­liè­re­ment repré­sen­ta­tive de l’exaltation démons­tra­tive du mal et du néant. Même si cette péda­go­gie du sacri­lège ne mobi­lise direc­te­ment qu’un milieu res­treint, elle n’en a pas moins une force sym­bo­lique du fait qu’elle est impo­sée sur les lieux publics comme le furent aupa­ra­vant monu­ments aux morts et sta­tues de héros. Dans un ordre dif­fé­rent, la licence totale, l’incitation même lais­sée à l’avortement, aux mani­pu­la­tions sur l’être humain, le retour en force de l’eugénisme, la légi­ti­ma­tion de l’euthanasie s’inspirent de la même « valeur » cen­trale : la trans­gres­sion. Trans­gres­sion de la loi natu­relle, de la digni­té humaine, de la simple rai­son, de la décence élé­men­taire. Pré­sente sous des formes mul­tiples, la trans­gres­sion enva­hit d’autant plus le corps social qu’elle est sui­vie et sou­vent pré­cé­dée par la légis­la­tion éta­tique, sanc­tion­née et aggra­vée par les déci­sions des tri­bu­naux, qu’elle fait l’objet des pres­sions exer­cées par les plus puis­santes des orga­ni­sa­tions mon­diales, les grands groupes finan­ciers, les obé­diences maçon­niques et autres enti­tés acti­vistes dites issues de la socié­té civile.

Cette immense vague auto­des­truc­trice est l’expression d’un nou­veau nihi­lisme, elle pro­meut un art de vivre éta­bli sur la haine de toute dépen­dance envers Dieu, envers l’ordre des choses, envers la nature humaine : en cela elle n’est que l’aboutissement actuel de la volon­té d’affranchissement expri­mée au début du pro­ces­sus moderne, la nuance pré­sente se situant peut-être dans la rage blas­phé­ma­toire avec laquelle cette volon­té croit trou­ver enfin le moyen de s’accomplir après avoir éli­mi­né ce qui lui fit si long­temps obs­tacle. Le nihi­lisme d’aujourd’hui est sui­ci­daire, mais conqué­rant. Il semble que l’on ne puisse plus en arrê­ter le cours, tant le moindre retour à un ordre plus rai­son­nable se voit immé­dia­te­ment com­bat­tu par toutes les forces domi­nantes du monde.

Est-ce tou­te­fois cer­tain ? Pour répondre à cette ques­tion, il faut d’abord iden­ti­fier cer­tains élé­ments venant faci­li­ter la chute dans ce pro­ces­sus de déca­dence.

Un pre­mier fac­teur venant favo­ri­ser l’épanouissement du nihi­lisme dans le monde d’aujourd’hui est l’emprise de la tech­nique et du mode de rai­son­ne­ment et d’organisation qui lui est lié. Cette emprise s’est déve­lop­pée à l’origine comme auxi­liaire d’une éco­no­mie fon­dée sur la course au pro­fit, la concur­rence mais aus­si la guerre, et avec le temps elle s’est trans­for­mée en une sorte d’esprit du temps. A l’aube du pro­ces­sus moderne, tout avait com­men­cé par un rejet de la contem­pla­tion, du sens des limites d’une vie ici-bas consciente de déter­mi­ner le sort de cha­cun dans l’éternité, la dis­tinc­tion en consé­quence entre fins et moyens, bien « hon­nêtes » et biens utiles. Tel était l’idéal de l’ancienne chré­tien­té – idéal, dans les réa­li­tés vécues, non exempt de contra­dic­tions, mais sans cesse rap­pe­lé par la voix de l’Église et notam­ment de ses membres les plus saints. Il est banal de dire que la moder­ni­té – comme concep­tion géné­rale du monde – s’est éta­blie sur la recherche de la richesse, le rejet de l’ascèse et la pri­mau­té accor­dée à la trans­for­ma­tion du monde par la tech­nique. Cha­cun sait à quel point celle-ci s’est déve­lop­pée au point de deve­nir son signe le plus adé­quat, pour le meilleur et aus­si pour le pire. Le lien entre cer­taines inno­va­tions tech­niques et le nihi­lisme a été clai­re­ment éta­bli en plu­sieurs situa­tions frap­pant les esprits telles que la Pre­mière Guerre mon­diale, la ten­ta­tive « indus­trielle » de meurtre col­lec­tif des juifs par le régime natio­nal-socia­liste, le bombe ato­mique sur Hiro­shi­ma et Naga­sa­ki, l’élimination des enne­mis de classe, le gou­lag, le géno­cide cam­bod­gien… Dans tous ces cas et d’autres encore, les ins­tru­ments de des­truc­tion mas­sive et le nombre de vic­times passe l’entendement  mais ce qui a per­mis d’atteindre ces pro­por­tions inouïes, c’est l’aspect métho­dique de la mise en œuvre, la pro­gram­ma­tion, l’organisation ration­nelle appli­quée à l’ensemble et au détail de l’exécution. C’est cet esprit métho­dique qui désor­mais enva­hit la vie tout entière et per­met d’enserrer l’homme dans un sys­tème déshu­ma­ni­sant, qu’il soit assor­ti de vio­lences phy­siques ou se pré­sente sous des traits plus sou­riants – le pro­jet d’humanité « aug­men­tée », par exemple – mais non moins dan­ge­reux. La dis­po­ni­bi­li­té de la tech­nique et l’affranchissement de toute norme morale sont main­te­nant deux réa­li­tés ordi­naires de la vie. Leur conju­gai­son donne au nihi­lisme actuel son visage le plus inquié­tant et cela d’autant plus qu’en regard les ins­ti­tu­tions dont on pour­rait attendre au moins qu’elles fassent obs­tacle à la menace jouent au contraire un rôle oppo­sé.

La moder­ni­té, dans sa confi­gu­ra­tion anté­rieure, s’appuyait sur un État fort, maître de son ter­ri­toire, qui uti­li­sait sans scru­pules les res­sorts de la morale tra­di­tion­nelle et du patrio­tisme pour obte­nir la cohé­sion et la doci­li­té de ses sujets. Qui ser­vait la Répu­blique était cen­sé ser­vir la France, et ain­si de suite dans la plu­part des pays de l’Occident moderne. Quelle que fût l’importance de la cohé­sion entre les puis­sances finan­cières, la presse qu’elles contrô­laient, et les organes du pou­voir éta­tique, la pié­té était utile à tous, si l’on peut se per­mettre ce détour­ne­ment de la for­mule pau­li­nienne (1 Tim, 4, 8). Cette récu­pé­ra­tion avait cer­taines contre­par­ties posi­tives, puisqu’elle assu­rait par le fait même le main­tien de divers biens : non seule­ment tout n’était pas per­mis, mais des ver­tus morales et civiques étaient hono­rées, cer­tains inter­dits empê­chaient ou limi­taient d’aller trop loin dans la des­truc­tion des bases mêmes de la socié­té, en dépit du tra­vail de sape qui se pour­sui­vait dans des cénacles par­ti­cu­liers, ou de l’établissement de condi­tions, notam­ment éco­no­miques, des­truc­trices à longue échéance.

Il s’avère que les temps ont pro­fon­dé­ment chan­gé : les nations sont sou­mises à la confu­sion, voire à la des­truc­tion pro­gram­mée, les appa­reils éta­tiques, tech­ni­que­ment par­lant, au-delà de cer­taines appa­rences ou sur­vi­vances, conservent leur puis­sance mais tendent à être déta­chés de leurs liens avec un ter­ri­toire don­né, et non seule­ment ils ne garan­tissent plus l’héritage his­to­rique qui leur donne leur iden­ti­té, mais ils servent au contraire à le salir pour le dis­cré­di­ter si pos­sible défi­ni­ti­ve­ment. La puis­sance des groupes finan­ciers est consi­dé­ra­ble­ment plus forte que dans le pas­sé, enfin les moyens d’emprise sur les esprits se sont eux aus­si com­plexi­fiés et ren­for­cés. Il y a donc désor­mais une cor­ré­la­tion criante entre ce nou­vel ordre de choses ins­ti­tu­tion­nel, flou, « glo­bal », mais très puis­sant, et l’expansion sociale du nihi­lisme. Ce der­nier tend à deve­nir d’autant plus faci­le­ment l’unique « valeur com­mune » du monde actuel que la muta­tion implique la rup­ture avec l’histoire, la tra­di­tion des ori­gines, la péren­ni­té du peu­ple­ment enfin. Si le mot déra­ci­ne­ment a le sens, c’est bien celui de cet arra­che­ment, de ce rejet du pas­sé plon­gé dans l’oubli (comme ces per­son­nages dis­gra­ciés gom­més des pho­to­gra­phies offi­cielles au temps de Sta­line ou d’Enver Hox­ha) ou cari­ca­tu­ré pour mieux le rendre odieux. Notons que sur ce point, entre la créa­tion du roman natio­nal répu­bli­cain et sa hai­neuse décons­truc­tion, les méthodes ne dif­fèrent pas fon­da­men­ta­le­ment bien qu’elles s’exercent en sens oppo­sé. Il s’agit tou­jours du tra­vail de fonc­tion­naires du sens à qui incombe la tâche de créer un sys­tème de repré­sen­ta­tion adap­té aux besoins des titu­laires du pou­voir en vue d’en fon­der la légi­ti­mi­té et d’en per­pé­tuer la pos­ses­sion.

Au terme de ce trai­te­ment et de ces chan­ge­ments struc­tu­rels dans l’espace et le temps, le nihi­lisme appa­raît alors comme un des­tin et aus­si comme un désastre humain. Un des­tin, parce que la pré­ten­tion éman­ci­pa­trice de la moder­ni­té ini­tiale ne peut pas abou­tir (étant contraire à la réa­li­té et à la rai­son qui en est ren­due) et conduit donc à son oppo­sé ; le nihi­lisme serait alors une mala­die sénile de la moder­ni­té, comme un sym­bole annon­cia­teur de l’échec final du pro­ces­sus, échec dans lequel il menace d’entraîner tout le monde. Un désastre humain aus­si, qui s’exprime par une régres­sion cultu­relle, un nivel­le­ment par le bas, et plus gra­ve­ment, à la clô­ture de l’avenir par le biais d’une rup­ture dans la trans­mis­sion, une perte d’identité et de rai­son d’être.

Si l’instrument éta­tique, de par sa méta­mor­phose, est désor­mais plus au ser­vice de la décom­po­si­tion de la socié­té que de sa pré­ser­va­tion, que doit-on dire de l’Église, qui a tou­jours été le  rem­part ultime en cas de crise majeure de civi­li­sa­tion. Pour des rai­sons his­to­riques sur la nature des­quelles il est inutile de reve­nir ici, la moder­ni­té comme concep­tion fon­da­men­ta­le­ment anti­chré­tienne a, tout au long du XIXe siècle et au début du XXe, par­fai­te­ment été iden­ti­fiée mais mal com­bat­tue. Fina­le­ment, devant une situa­tion de repli et d’exclusion pro­gres­si­ve­ment asphyxiante, le cou­rant libé­ral-catho­lique a réus­si à obte­nir la légi­ti­ma­tion de son uto­pie – « récon­ci­lier l’Église et le monde moderne », selon la for­mule condam­née par Pie IX –, niant la pos­si­bi­li­té même d’avoir des enne­mis. Adop­tée offi­ciel­le­ment, quoique avec quelques res­tric­tions ou ambi­guï­tés, au moment du der­nier concile, ce retour­ne­ment n’a pas appor­té les fruits escomp­tés. Dès lors, et très peu de temps après l’événement, la moder­ni­té sui­vant son cours et pas­sant pro­gres­si­ve­ment à la pré­sente phase « post­mo­derne », les condi­tions se sont aggra­vées, le monde contem­po­rain s’enfonçant dans la décom­po­si­tion de ce qui avait été conser­vé de reli­quats de l’ordre natu­rel. Cepen­dant, la nou­velle orien­ta­tion conci­liaire demeu­rant à l’ordre du jour, et débou­chant sur une série d’applications cohé­rentes avec elle, le nou­veau dis­cours ecclé­sial s’est trou­vé en porte-à-faux lorsqu’il s’est agi de ten­ter de s’opposer à cer­taines des consé­quences, logiques et pré­vi­sibles, de la nou­velle culture domi­nante, alors même que l’on s’interdisait toute sévé­ri­té à son endroit. Cette nou­velle ten­sion a culmi­né à l’époque où Jean-Paul II a dénon­cé ce qu’il nom­ma la « culture de mort », forme sans aucun doute de nihi­lisme carac­té­ris­tique, plus que jamais, de l’époque pré­sente, mais sans faire le rap­pro­che­ment avec d’autres aspects ins­ti­tu­tion­nels et idéo­lo­giques pour­tant intrin­sè­que­ment liés aux dérives ain­si condam­nées. D’une cer­taine manière, on est alors retom­bé dans la situa­tion de « cita­delle assié­gée » d’où le concile avait vou­lu sor­tir. Désor­mais, l’arrivée de Jorge Mario Ber­go­glio ramène avec une cohé­rence bien plus grande à cette orien­ta­tion pre­mière, la « réforme » actuel­le­ment pro­mue pou­vant s’interpréter comme une red­di­tion pure et simple à la culture domi­nante du moment.

Si telle est la réa­li­té, l’Église, dans son aspect social tem­po­rel, perd en ce moment sa capa­ci­té de témoi­gner contre le monde, ce qui signi­fie concrè­te­ment qu’elle ne s’oppose pas au nihi­lisme ambiant, sinon sur des points mar­gi­naux, mais au contraire qu’elle y contri­bue en pous­sant à l’extrême le refus de l’ennemi. Cette situa­tion ne sau­rait durer indé­fi­ni­ment, mais tant qu’elle per­siste, elle s’associe aux autres fac­teurs aggra­vants men­tion­nés pré­cé­dem­ment.

La ques­tion revient alors : le triomphe du nihi­lisme est-il iné­luc­table ? Faut-il, plu­tôt que demeu­rer à contem­pler le nau­frage, amé­na­ger quelques lieux pré­ser­vés per­met­tant la sur­vie, reje­tant tout autre forme de pré­sence comme pures illu­sions ? Peut-être, mais aupa­ra­vant il convien­drait de rele­ver quelques don­nées à ne pas perdre de vue.

Tout d’abord, le nihi­lisme actuel est comme une lame de fond qui n’épargne presque per­sonne, mais celle-ci ne recouvre qu’inégalement la socié­té, selon une échelle d’intensité variable pour­rait-on dire. La pen­sée moderne n’a pu aller au-delà d’une hégé­mo­nie, elle n’a jamais été totale, et cela est plus vrai que jamais, dans la mesure où les excès pré­sents peuvent séduire mais aus­si engen­drer des peurs ; pen­sons au clo­nage humain, à la robo­ti­sa­tion des indi­vi­dus, etc. L’horreur d’un pou­voir mon­dial abso­lu sus­cite l’imagination des auteurs de science-fic­tion, mais elle leur fait aus­si ima­gi­ner la révolte des dis­si­dents. L’islam pro­duit en son sein d’autres formes d’horreur, il est bien loin de contre­dire le nihi­lisme dont il nour­rit une autre ver­sion, mais il n’en per­turbe pas moins le cours tar­dif de la moder­ni­té. Celle-ci ne pos­sède tou­jours pas la maî­trise du futur, sur aucun plan.

Ensuite l’essence du nihi­lisme est reli­gieuse comme l’est en réa­li­té l’athéisme. Le point culmi­nant de l’esprit révo­lu­tion­naire qui anime plus que jamais notre temps est dans le défi que sym­bo­lise l’affirmation du droit de choi­sir sa mort comme acte d’une suprême éman­ci­pa­tion. Mais au moment même où le sacri­lège est pous­sé à son acmé, il pro­clame son impuis­sance, par la dis­pa­ri­tion de ce monde : faible vic­toire d’un orgueil déme­su­ré. D’autres mons­truo­si­tés risquent de finir pareille­ment. Ces contra­dic­tions et l’impuissance qu’elle révèlent doivent être dites. Pour l’instant, la situa­tion interne de l’Église ne s’y prête pas, mais vien­dra un jour où cette parole de véri­té sera reprise, quand s’effondrera la « refon­da­tion » arti­fi­cielle de l’esprit du concile que nous consta­tons aujourd’hui. Cer­taines choses chan­ge­ront peut-être alors. En atten­dant, pour­quoi devrait-on jeter le manche après la cognée ?

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