Autres ouvrages reçus
Léon Bloy, Essais et pamphlets, Robert Laffont, « Bouquins », août 2017, 1 536 p., 34 €
« Chez Bloy tout est ardent car, rien n’étant préjugé, tout est démontré et tout devient donc parfaitement certain, au sein d’une démarche qui est celle de la véritable science qui est vraie philosophie. » Cette appréciation, tirée de l’une des notices de M. Caron, concerne Je m’accuse…, un pamphlet dirigé contre Émile Zola. Léon Bloy atteint des sommets dans ses invec- tives d’une incroyable richesse, mais ce ne sont pas des jeux verbaux, car il est très sérieux aussi bien dans ses polémiques que dans ses éloges. Certes, La Bruyère se montrait moins brutal dans ses Caractères, ce qui n’empêche pas le P. Laff y, o.p., qui préface cet énorme recueil, de le rapprocher de Bossuet quant à l’assimilation profonde des Écritures.
Bernard Lugan, Mai 68 vu d’en face, Balland, mars 2018, 132 p., 13 €
Il est étonnant de voir un universitaire, historien connu de l’Afrique, certes à contre-courant depuis de longues années, évoquer avec truculence dans ce petit livre le souvenir des équipées menées par des militants de l’AF, d’Occident et de la Corpo de droit contre les bandes gauchistes rivales. Le récit n’a aucune prétention historique, mais il est sans doute utile pour l’étude des mentalités activistes limitant la vision politique au plaisir de la « cogne », des deux côtés d’ailleurs.
Xavier Martin, Beccaria, Voltaire et Napoléon ou l’étrange humanisme pénal des Lumières (1760–1810), Dominique Martin Morin, Poitiers, mars 2018, 304 p., 26 €
Il n’y a rien d’étonnant à ce que la philosophie des penseurs des Lumières ait fondé la ligne de conduite des législateurs du régime qui en est issu. Pourtant l’idée répandue, en ces temps de décomposition de la modernité « dure », est que le Code pénal, resté à peu près le même jusqu’aux réformes Badinter, aurait contredit, par sa dureté, les principes humanistes du xviiie siècle, notamment formulés par Voltaire et par le pénaliste italien Cesare Beccaria. Quant à Napoléon, ce grand carnassier, il en a tellement assimilé les conceptions matérialistes et utilitaristes qu’il s’en est montré renversant dans l’aveu réitéré de sa propre innocence. Nous espérons revenir sur ce très riche neuvième volet de la série « L’homme des droits de l’homme ».
Danièle Masson, Éric Zemmour. Itinéraire d’un insoumis, Pierre Guillaume de Roux, mars 2018, 264 p., 23 €
À travers une biographie très empathique, et malgré un langage empruntant parfois aux facilités de la grande presse et de la télévision, on peut trouver dans cet essai – Danièle Masson est agrégée de lettres et notamment auteur de plusieurs biographies intellectuelles – de nombreux éléments permettant de mettre en évidence le rapport étroit entre la mainmise de l’ultra-libéralisme sur les sociétés européennes et la destruction de la culture et des mœurs qui les affectent. Éric Zemmour est en même temps un grain de sable dans les rouages de la domination (il subsiste grâce au fait d’être juif, un capital de tranquillité qui n’est pas complètement épuisé), et un révélateur très conscient des modalités de celle-ci. Il s’agit en particulier de l’association entre une partie de l’appareil d’État (exécutif, système judiciaire) et les polices privées de contrôle de la pensée et des comportements, l’islam étant simultanément instrument et bénéficiaire. Le tout appuyé sur la réserve sociale que constituent les bobos.
Fabio Marchese Ragona, Tutti gli uomini di Francesco. I nuovi cardinali si raccontano, San Paolo editrice, Milan, 2018, 382 p., 18 €
L’auteur, journaliste, a procédé à une série d’entretiens avec trente-cinq cardinaux de tous les continents ; le tout est préfacé de manière hagiographique par l’un des principaux inspirateurs du cours actuel, le cardinal Óscar Rodríguez Maradiaga. Le premier interrogé est le cardinal Parolin, secrétaire d’État. D’entrée de jeu, il est questionné sur les dubia présentés par quatre autres cardinaux ; sa réponse donne le ton, soulignant l’aspect très minoritaire à ses yeux des oppositions qui mettent « l’accent principal sur les tendances négatives du monde actuel » et pensent « que la fi lité à l’Évangile requiert une opposition rigide et radicale », le tout exprimé « sur un mode passionné, et si nécessaire, polémique », tandis que ceux qui ne se posent pas de question sont confiants « dans la créativité du Saint-Esprit »… Mais tous ceux qui sont interrogés ne s’intéressent pas aux affaires doctrinales principales : migrants, sécularisation (le cardinal De Kesel y voit un grand bien), chômage, euthanasie… Certains tirent dans un sens plus traditionnel (le Suédois Arborelius, par exemple, ou encore le cardinal Müller, qui esquive les difficultés en prônant une lecture selon la Tradition du pontificat bergoglien). À lire avec attention, même si, par la force des choses, l’ensemble de ces « fiches » reste assez en surface.
Signalons également trois ouvrages en anglais, auxquels nous souhaitons accorder prochainement l’attention qu’ils nous paraissent mériter.
Deux analyses de situation, tout d’abord : Ross Douthat, To change the Church. Pope Francis and the future of Catholicism, Simon and Shuster, New York, mars 2018, 230 p., et Philip F. Lawler, Lost Shepherd. How Pope Francis is misleading his flock, Regnery Gateway, New York, 2018, 222 p. Et dans un genre différent, plus théologique, Thomas Crean, o.p., (éd.), Dignitatis Humanae Colloquium, Dialogos Institute, Norcia, 2017, 218 p. Ce sont les Actes d’un colloque, assez pluraliste, tenu en novembre 2015, sous la présidence du cardinal Leo Burke.