Autres livres reçus
Byung-Chul Han, Le désir. L’enfer de l’identique, Autrement, collection « Les grands mots », octobre 2018, 156 p., 10 €
Huit articles de l’auteur germano-coréen, souvent obscurs, parfois scabreux. L’amour, écrit Alain Badiou (préface), est « l’expérience radicale, peut-être la seule qui le soit à ce point, de l’existence de l’Autre ». L’auteur reprend : capitalisme et information détruisent la possibilité même des rapports sociaux. « La masse d’informations accélère massivement l’entropie du monde, et augmente le niveau du bruit. La pensée a besoin de silence. […] La masse pullulante des informations, cette démesure de positivité, s’exprime sous forme de bruit. Or, sans négativité, il n’existe que de l’identique. » Quelques bonnes observations au milieu de concepts hégéliens multipliés sans nécessité. Byung-Chul Han a fait mieux.
Abbé Ludger Grün, Le vin de Cana. Vivre du sacrement du mariage, Via Romana, Versailles, janvier 2019, 120 p., 9 €
Beaucoup de choses s’écrivent sur le mariage, et toute une littérature désolante de banalité et de psychologisme en fait oublier la vérité profonde. Ce tout petit livre (10 x 16), écrit par un prêtre de Suisse alémanique, est vraiment digne d’être connu en raison de sa densité théologique exprimée dans un style simple et délicat. L’ensemble est conçu autour du signe efficace de l’union du Christ et de l’Église, qui est effectivement ce que le sacrement institue et signifie. Ce mystère est grand (Éphésiens 5, 24).
Yves Morel, La vraie pensée d’Augustin Cochin, Via Romana, Versailles, février 2019, 342 p., 24 €
Ce gros ouvrage, sérieusement argumenté, préfacé par Jean Tulard, développe une thèse bien précise : Augustin Cochin, après avoir connu une longue disgrâce, a été réhabilité, principalement grâce à François Furet, pour sa recherche sur le fonctionnement des laboratoires d’idées (« sociétés de pensée ») et des clubs d’émulation et de propagande qui ont « fait », littéralement, la Révolution française. Mais l’auteur s’applique à démontrer que cette réhabilitation comporte une part de mensonge par omission, car elle laisse de côté la position critique de Cochin face à l’ensemble de la Révolution, ce qui le rattache au courant contre-révolutionnaire, et cela malgré son enthousiasme quasi exclusif pour la mécanique sociale et son faible intérêt, inversement,
pour les idées. La thèse est discutable, au sens où elle mérite d’être sérieusement examinée, et le cas échéant contestée.
Theodor Wiesengrund Adorno & Max Horkheimer, Kulturindustrie. Raison et mystification des masses, Allia, 4e édition, mars 2019, 110 p., 7 €
Opuscule très tassé, publié à l’origine en 1947, et donc assez largement décalé du point de vue technique plus de soixante ans après, à cause du développement des nouveaux moyens dits d’information, balbutiants ou inconnus au moment de sa rédaction. Et pourtant sur le fond, on trouve dans cette critique de l’industrie du divertissement des jugements qui nous paraissent maintenant parfaitement lucides. Exemple : « Ce qui compte aujourd’hui, ce n’est plus le puritanisme, bien qu’il s’affirme toujours dans les organisations féminines, mais la nécessité inhérente au système de ne jamais lâcher le consommateur, de ne lui donner aucun instant l’occasion de pressentir une possibilité de résister. » L’analyse du langage et de sa dissociation d’avec la réalité par la publicité est plus qu’actuelle. Il s’agit de psychotechnique.
Autres titres dont nous essaierons de rendre compte plus tard : Comprendre l’Apocalypse, d’Érick Audouard (Pierre-Guillaume de Roux, novembre 2018) ; Les robots et le mal, d’Alexei Grinbaum (DDB, janvier 2019) ; La demeure des hommes. Pour une politique de l’enracinement, de Paul-François Schira (Tallandier, janvier 2019) ; Contre le libéralisme, d’Alain de Benoist (éditions du Rocher, février 2019) ; Le labyrinthe catalan, de Benoît Pellistrandi (DDB, février 2019).